Bruxelles 27 juin 2012. L’assemblée générale de l’asbl AELR ( les amis du musée de l’Air et de l’Espace – Lucht- en Ruimte-museum vrienden) s’est déroulée le 27 juin et a permis de faire le point sur la situation actuelle et les défis futurs de cette association plus que trentenaire.
Le C-47 de la Force Aérienne occupe une place de choix dans le Grand Hall. |
Historique
Il y a un peu plus de quarante ans (en 1970), un petit groupe de volontaires passionnés d’aviation décide de créer une association pour permettre le développement d’une section « aviation » au sein du Musée Royal de l’Armée. Les deux « moteurs » de cette initiative proviennent de la Force Aérienne Belge : le Colonel Aviateur Mike Terlinden (1929-2002)
et l’Adjudant d’Aviation Jean Booten (1923-2000) fondent le « Brussels Air Museum » en créant l’association AELR. Le grand hall de la Section Air/Espace du Musée Royal de l’Armée est depuis et à jsute titre dédié à Mike Terlinden et les ateliers de restauration à Jean Booten.
Les deux « pères » du Musée de l’Air de Bruxelles, Mike Terlinden et Jean Booten. |
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui dans quel état ils ont découvert le début de la collection aéronautique dans ce grand hall du Cinquantenaire…Un sol en terre battue et quelques avions dispersés : un Spitfire, un Hurricane, un Hunter, un Meteor et quelques autres.
Parqué sur un sol en terre battue, le Hurricane ML-B aux couleurs de la Force Aérienne Belge. |
Quelques pièces uniques et authentiques, datant de la première guerre mondiale, étaient suspendues au plafond du hall 1914-1918.
A la fin des années soixante, l’Aviatik C 1 était suspendu au plafond du Musée. Il est actuellement en cours de restauration. |
En tout, à peine une quinzaine d’avions. Grâce à leur enthousiasme et aux efforts de l’équipe de bénévoles qui les ont suivis, en quelques années ils ont transformé et agrandi cette collection, avec l’appui de la Force Aérienne Belge. Ils ont développé avec le Musée Royal de l’Armée une collaboration qui a permis au fil des ans un accroissement exponentiel du nombre d’avions exposés ou stockés (actuellement plus de 150).
Il faut savoir que la Musée Royal de l’Armée dépend directement du Ministère de la Défense, et donc aussi des contraintes budgétaires. Le phénomène est loin d’être nouveau, même si les restrictions se font de plus en plus sentir en raison d’abord de la chute du mur de Berlin en 1989, et des « dividendes de la paix » avancés par les responsables des budgets, puis ces dernières années par la crise financière et économique. Ce sont notamment ces problèmes de restrictions budgétaires récurrentes qui ont abouti à la création d’un certain nombre d’asbl destinées d’une part à soutenir les travaux de restauration grâce à la participation de nombreux volontaires bénévoles, et d’autre part à rechercher et trouver de généreux donateurs pour financer certains projets. En effet, toute somme versée au Musée est d’office gérée par le Patrimoine National qui ne peut garantir son affectation même si le donataire avait l’intention de sponsoriser un projet bien précis.
Une structure séparée sous forme d’asbl permet également de faire appel à des « agents contractuels subventionnés » (ACS), alors que des engagements de ceux-ci par le Musée ne sont pas possibles. En échange des services rendus par l’asbl, le Musée Royal de l’Armée fournit gratuitement le matériel, l’eau, l’électricité, le nettoyage et surtout permet de disposer d’une infrastructure unique. Le Palais du Cinquantenaire, construit en 1881, est idéalement situé au centre de Bruxelles et facilement atteignable par transport public ou privé. S’il offre un cadre exceptionnel et prestigieux, il souffre aussi de sa vétusté. De grands travaux ont été entamés en plusieurs phases et c’est ainsi que la façade sud vient d’être totalement refaite.
Vue panoramique du Grand Hall avec le C-119G à l’avant-plan, et façade sud restaurée à l’arrière-plan. |
Les installations électriques doivent aussi être mises en conformité avec les normes les plus récentes. De même pour les ateliers de restauration qui font actuellement l’objet d’une remise à neuf en fonction des règlements de sécurité actuels. Le dépôt de Vissenaken qui abrite les réserves du Musée contenant de l’amiante, il a fallu le déplacer et un nouvel atelier-dépôt sera mis prochainement à la disposition des équipes de restauration à Landen. Tous ces travaux ont certes provoqué pas mal de perturbations et de changements dans les habitudes, mais d’une part ils étaient devenus nécessaires et d’autre part ils amélioreront « in fine » la qualité des lieux. Et il faut rappeler que toutes ces infrastructures sont fournies gratuitement par la Défense.
La cohabitation entre des volontaires-bénévoles vivant leur projet avec passion et une administration dépendant d’une institution militaire, nécessaire mais contraignante, n’est pas toujours facile. Les lenteurs de procédures, notamment en matière logistique, se sont agravées au fil des années avec un soutien de moins en moins présent des unités opérationnelles de la Force Aérienne Belge en raison de leurs propres contraintes (plus d’opérations, moins d’effectifs).
On est donc à une période charnière dans l’évolution de ce magnifique musée de l’air, et l’asbl AELR s’apprête à répondre à pas mal de défis. Il faut à la fois réintéresser les passionnés de notre histoire aéronautique à devenir ou redevenir membres, trouver de nouveaux volontaires pour renforcer les équipes de restauration, et relancer la recherche de sponsoring et de mécénats.
Une collection unique
Le Musée de l’Air de Bruxelles possède et gère actuellement une collection de plus de cent cinquante avions. Ils ne peuvent pas tous être exposés et certains sont donc stockés tandis que d’autres font l’objet de chantiers de restauration. La plupart de ces restaurations sont l’œuvre de bénévoles qui consacrent une bonne part de leurs loisirs en mettant leurs compétences au service d’un chantier de remise en état.
Un des tout premiers avions belges, le triplan Bataille, une pièce unique magnifiquement reconstruite. |
Citons parmi les réalisations les plus récentes : le triplan Bataille, un des tous premiers avions d’origine belge, le biplan de de Caters, le Tipsy Trainer, le Douglas A-26. En cours actuellement, les chantiers des Tipsy Belfair, de Havilland DH-89a Dragon Rapide, Fieseler Storch, et DH-98 Mosquito devraient être terminés dans l’année. La restauration du très rare LVG C VI (un chasseur allemand de la première guerre mondiale) se poursuit. Le moteur est terminé mais il reste encore beaucoup de travail au niveau de la cellule et des ailes.Un autre exemplaire authentique et unique au monde de chasseur allemand de la grande guerre, l’Aviatik C1, a été confié pour restauration à l’association « Memorial Flight » à Dugny (aéroport de Paris-Le Bourget), et on recherche un sponsor pour boucler le budget.Un autre chasseur allemand de cette époque, l’Halberstadt C V, fait l’objet d’un chantier de restauration initié par le Musée Royal de l’Armée.
Le chantier du de Havilland DH-89 Dragon Rapide progresse bien. |
Sur le plan historique, on trouve à la fois des avions de l’époque des pionniers des débuts de l’aviation, mais aussi quelques exemplaires uniques d’avions de combat de la première guerre mondiale, quelques appareils de l’entre-deux guerres, et une bonne représentation des matériels utilisés par les pilotes belges pendant le conflit de 1939-1945 (dont un très rare Fairey Battle, un Hawker Hurricane, et deux Supermarine Spitfire).
Autre pièce rare, le Fairey Battle aux cocardes belges rappelle l’attaque héroïque des ponts du Canal Albert en 1940. |
La section 1914-1918 présente une des expositions les plus complètes au monde d’appareils authentiques de cette époque, avec des avions des deux forces en présence : Aviatik C 1, Bristol F.2B, Farman F.11A, Farman-Voisin, Hälberstadt C.V, Hanriot HD-1, Nieuport 23C, RAF R.E.8, Sopwith 1 ½ Strutter et Camel, Spad XIIIC.1 et Voisin LA5.
Une des pièces de la collection 1914-1918, le chasseur Hanriot HD-1 aux couleurs belges. |
Ce très rare hydravion Schrek FBA Type H date de la première guerre mondiale.
L’hydravion Schreck, est une de pièces rares de la collection 1914-1918. |
Bien que situé dans un musée militaire, la collection fait aussi la part belle aux réalisations civiles des constructeurs nationaux ainsi qu’à l’aviation générale et sportive. On peut aussi admirer des réalisations de notre industrie aéronautique nationale de l’entre-deux guerres telles que le Kreit & Lambrickx KL-2 ou le SABCA Poncelet Vivette, mais aussi plusieurs modèles de Tipsy, du S.2 au Nipper, et les machines récemment restaurées (Tipsy Trainer 1 et Belfair).
Un très rare Tipsy S.2, représentatif du savoir-faire des constructeurs belges en aviation sportive. |
La Force Aérienne Belge est particulièrement bien représentée, avec un exemplaire de presque chaque type d’avion mis en service depuis sa création en 1946. La « Light Aviation » de la Force Terrestre est aussi bien présente( de l’Auster à l’Agusta A109). L’époque héroîque des premiers « jets » est illustrée par les Gloster Meteor, de Havilland Vampire, Dassault Ouragan, North American F-86 Sabre, Mig-15, Hawker Hunter, et suivie par les générations suivantes (F-84G, F-84F, RF-84F, T-33, CF-100 Canuck, Lockheed F-104G Starfighter, Mirage 5, jusqu’au F-16). Les avions de transport ne sont pas oubliés avec l’inévitable C-47, le bipoutre C-119G, le Percival Pembroke, mais aussi un Junkers 52 et, reposant en hauteur sur des pylones, la première Caravelle de la Sabena. Et les voilures tournantes utilisées en Belgique sont aussi de la partie : Alouette II, Bristol Sycamore, Sikorsky S-58, Agusta A-109, Westland Sea King.
Le mythique F-104G Starfighter, entouré d’autres célèbres chasseurs, dont le F-86 Sabre et le Hawker Hunter aux couleurs de nos Diables Rouges, et un CF-100 Canuck canadien. |
Si la collection « avions » est la partie la plus connue, il faut aussi signaler l’existence de différentes autres sections, toutes aussi importantes pour la conservation de notre patrimoine aéronautique : une collection de moteurs, la reconstitution de l’atelier Renard, le stand Sabena récemment élargi aux autres compagnies aériennes belges, la section « aérostats »(avec notamment les premières capsules des ballons stratosphériques du CNRS développées par le Professeur Piccard).
Les ateliers Renard ont été reconstitués de façon très réalist. |
Parmi les autres activités, épinglons la publication quatre fois l’an du BAMM (Brussels Air Museum Magazine), la section historique avec sa bibliothèque et la photothèque, le Museum Shop qui propose un grand choix de publications aéronautiques et les vend au profit du Musée et de ses différentes sections, sans oublier la cafétéria. De nombreux événements spéciaux sont organisés dans le cadre prestigieux du Musée de l’Air : l’Aviation Night, le Remembrance Day, des réunions spéciales de diverses associations aéronautiques (Vieilles Tiges de Belgique , Belgian Air Force Association, Silver Wings, RAF et SAAF Association), une Foire aux Livres mensuelle (tous les premiers samedi du mois), voire la présentation de nouveaux ouvrages aéronautiques. Le « Sky Café » accueille les visiteurs dans le hall aviation et offre boissons et restauration à des prix démocratiques, avec une « terrasse » dans le grand hall et à l’intérieur la projection sur écran géant de videos aéronautiques. Là aussi, il y a possibilité d’organiser des événements spéciaux tels que réceptions de mariage ou autres. Le Musée est ouvert tous les jours sauf le lundi et les jours fériés légaux, de 09h00 à 16h30 et l’entrée est gratuite.
La terrasse du « Sky Café » où l’on peut savourer une bonne bière au milieu des avions. |
Une des collections les plus complètes en Europe, avec quelques modèles uniques, et située en plein centre de Bruxelles, le Musée de l’Air de Bruxelles a besoin de soutien. Les restrictions de budget au niveau de la Défense ne donnent pas de moyens financiers suffisants au Musée Royal de l’Armée pour soutenir les différents projets de restauration animés par les équipes de bénévoles. L’argent étant le nerf de la guerre, le conseil d’administration de l’AELR, présidé par le Colonel Aviateur Alex Peelaers, et qui a été partiellement renouvellé avec de nouveaux membres, a lancé diverses initiatives visant à améliorer la trésorerie de l’association. Désormais, il sera possible d’insérer des publicités payantes dans le magazine BAMM. La recherche de sponsors tant publics que privés est bien lancée et plusieurs initiatives en cours devraient aboutir dans les prochains mois. Enfin, l’accent est aussi porté sur la nécessité de recruter de nouveaux membres. Nous invitons les lecteurs de « Hangar Flying » souhaitant apporter leur soutien à se faire membre de l’AELR. La cotisation annuelle est de 25 euros (seulement 10 euros/an pour les « juniors » ; et 40 euros/an comme membre de support). Pour ce faire, il suffit d’effectuer un virement au profit du compte 210-0345293-25 de l’asbl AELR et d’en informer l’association par email avec ses coordonnées. Les entreprises ou particuliers souhaitant faire un don plus important ou sponsoriser un projet de restauration sont invitées à contacter le Président de l’AELR, le Colonel Aviateur Alex Peelaers (tél. : 02/734.21.57 email : alex.peelaers@brusselsairmuseum.be AELR asbl Parc du Cinquantenaire 3 1000 Bruxelles).
La première Caravelle de la Sabena domine le Grand Hall. |
La Belgique dispose d’un des plus beaux et plus complets musée de l’aviation d’Europe, situé dans un cadre exceptionnel et facilement accessible. La conservation de ce patrimoine et son amélioration dépendent en partie du support que les passionnés d’aviation peuvent lui apporter. Ce support peut prendre des formes diverses : participation en temps que volontaire bénévole à des projets de restauration ou au support administratif et de recherches, support financier allant de la simple cotisation au mécénat. L’AELR est ouverte à de nouvelles collaborations dans tous ces domaines et accueillera avec plaisir les nouveaux membres. La collaboration avec le Musée Royal de l’Armée est un atout qui, malgré les restrictions budgétaires et quelques problèmes de communication, permet de bénéficier de la gratuité d’un grand nombre de services et le soutien d’institutions publiques. L’AELR veillera à améliorer cette collaboration au travers d’un dialogue constructif, tenant compte des spécificités et des moyens de chacun.
Texte et photos : Guy Viselé