Fin des Falcon 20 à la Force Aérienne

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Melsbroek, le 2 décembre 2016. Les Commandants D. Barbaix et P. Beernaert effectuent le tout dernier vol en Fan Jet Falcon, connu également à l’origine en tant que Dassault Mystère XX. Les deux appareils pris en compte par la Force Aérienne Belge (CM-01 et CM-02) ont superbement servi l’aviation militaire belge pendant 43 ans.

Le Dassault Falcon 20 immatriculé CM-02 de la 21ème escadrille du 15ème wing photographié en 1989. (Photo : Jo Huybens)

Le Falcon 20 CM-01 en début de carrière en 1978. (Photo : Force Aérienne Belge)

C’est en effet en juin 1972 que le gouvernement belge et son ministre de la défense, Paul Vanden Boeynants (qui le sera à plusieurs reprises et deviendra même premier ministre), ont passé commande de deux Mystère XX chez Avions Marcel Dassault. La considérable dévaluation du dollar américain à l’époque avait réduit la facture à payer pour l’achat des 12 avions-cargos Lockheed C-130H Hercules livrés à partir de juillet 1972. L’excédent budgétaire ainsi récupéré a permis l’acquisition des deux biréacteurs d’affaires produits par la firme française.

L’homme derrière la commande, le Ministre de la Défense Paul Vanden Boeynants (à gauche) en conversation avec le Lieutenant-colonel Mike Terlinden, chef de corps du 15ème wing, et le Lieutenant-général Albert Debêche, chef d’état-major de la Force Aérienne Belge, lors de l’arrivée du premier Mystère XX à Melsbroek le 27 mars 1973. (Photo : Collection Centre Dakota)

Le CM-02 en vol lors de la formation mixte du 15ème wing durant le meeting aérien qui s’est tenu à Melsbroek le 2 mai 1992; l’auteur se trouve à bord grâce au Colonel Jo Huybens, chef de corps du 15ème wing et grand organisateur de la fête aérienne consacrant les vingt ans de service des C-130H Hercules belges. (Photo : Serge Nemry)

Le premier exemplaire, immatriculé CM-01, fut perçu en mars 1973 par la 21ème escadrille du 15ème wing, suivi du second (CM-02) en mai. L’appareil était plus particulièrement destiné au transport de VIP vu son aménagement et ses performances, vitesse autant que distance franchissable. Si les deux Mystère XX étaient une nouveauté sous les cocardes belges, ils l’étaient moins pour leurs utilisateurs et équipages occasionnels. Le ministre Vanden Boeynants, que la presse eut tôt fait d’appeler VDB, et quelques un de ses confrères du gouvernement étaient acquis à l’aviation d’affaires et, dans ce sens, trois officiers avaient été envoyés en juin 1967 chez Dassault à Bordeaux-Mérignac afin de prendre en mains le Falcon 20 (comme l’appelaient les Américains, premiers et plus gros clients avec la PAN AM qui en avait acheté 160). Contrairement à ce qui se passe habituellement, il n’y avait aucune commande belge qui aurait entraîné d’office la qualification d’équipages… Ce n’est qu’un an plus tard, soit en 1968, que diverses missions furent effectuées en Falcon 20 en « dry lease », c’est-à-dire avec des avions appartenant au constructeur et basés au Bourget, près de Paris, et pilotés par des militaires belges au profit d’hommes politiques belges.

Le tableau de bord du CM-02 en mai 1992. (Photo : Jean-Pierre Decock)
Le CM-01 après son atterrissage sur le ventre à Gosselies le 12 janvier 1996. (Photo : Collection Centre Dakota)

Pendant ces 43 années, les Falcon 20 belges rendirent d’éminents services pour le transport de personnalités importantes, le plus fréquemment le Roi et la famille royale ainsi que les ministres, mais aussi par des vols particuliers comme le rapatriement de la dépouille de SM le Roi Baudouin d’Espagne début août 1993. Les Falcon 20 ont également effectué de nombreux vols sanitaires ou de transport urgent d’organes pour la transplantation.

Un Falcon 20E-5 de la 21ème escadrille en formation avec deux F-16AM de la Composante Air. (Photo : Eddy Kellens/IPR-Comopsair)

Une étape décisive dans la vie opérationnelle des Falcon 20 belges fut leur modernisation réalisée entre 2003 et 2005. L’élément majeur de cette cure de jouvence résidait dans la remotorisation avec des réacteurs Honeywell TFE 731-5BR-2 de 2.155 kg de poussée statique chacun contre 1.983 kgp pour les General Electric CF 700-20-1 dont ils étaient gréés en 1973. Ces nouveaux moteurs sont non seulement plus puissants et plus légers, mais aussi nettement moins gourmands en carburant que leurs prédécesseurs, ce qui augmente considérablement l’allonge de l’appareil. La rénovation portait encore sur une nouvelle avionique, un « glass cockpit », le radar et des moyens de télécommunication up to date.

Le CM-01 portant sur la dérive le marquage spécial pour les 60 ans d’existence du 15ème wing le 14 septembre 2008. (Photo : Jean-Pierre Decock)

Le premier chantier de rénovation était celui du CM-02 entamé le 15 octobre 2003, le CM-01 subissant le même sort à partir de fin 2003 chez Falcon Air Service (Dassault) à l’aérodrome du Bourget en région parisienne. Les avions ont été remis en ligne le 5 novembre 2004 pour le CM-02 et le 21 février 2005 pour le CM-01, dorénavant qualifiés de Falcon 20E-5. La vie opérationnelle de cet avion VIP aux performances de chasseur n’a été émaillée que de rares incidents, ce qui prouve la grande fiabilité technique du Falcon 20.

Gros plan sur le motif développé pour célébrer les 60 ans du 15ème wing en septembre 2008. (Photo : Jean-Pierre Decock)

Le Falcon 20E-5 rajeuni démontra ses nouvelles aptitudes en effectuant ses premiers vols transatlantiques les 14/15 février 2005 avec le Major Eric Denis, commanding officier de la 21ème escadrille, aux commandes du CM-02 pour le périple de Bruxelles jusque Goose Bay au Canada. Le Commandant Rudy Ryckeboer effectua deux missions Bruxelles-Washingoton DC avec le CM-01 du 11 au 15 novembre 2005 et du 29 novembre au 2 décembre via Keflavik en Islande et Goose Bay au Canada. Ces deux pilotes étaient en outre de réels fanas du Falcon 20E-5 et ils en firent même la démonstration lors de meetings aériens en 2005, notamment celui de Coxyde.

Le Falcon 20-5 immatriculé CM-01 de la 21ème escadrille vu en vol en 2008. (Photo : Archives Jean-Pierre Decock)

Les deux pépins majeurs, si l’on peut dire, et qui étaient des incidents sans réelle gravité furent d’abord l’atterrissage train rentré du CM-01 à l’aérodrome de Gosselies le 12 janvier 1996 lors d’une séance de qualification d’un nouveau pilote. Le second incident consista en une sortie de piste du CM-01 le 22 janvier 2009 à Deurne lorsque l’avion a effacé sa roulette de nez. Dans les deux cas, le Falcon 20 fut prestement réparé et remis en opération.

Mise en place du CM-02 face à l’aérogare militaire de Melsbroek afin d’embarquer les VVIP invités à voler lors du défilé aérien du 21 juillet 2012. (Photo : Jean-Pierre Decock)
Le CM-01 exposé lors du meeting aérien le 23 septembre 2013 à Melsbroek porte le motif spécial des 40 ans de service du Falcon 20 à la Force Aérienne Belge. (Photo : Jean-Pierre Decock)

Toutes les belles histoire ont une fin : le CM-01 effectua son dernier vol le 13 février 2015 (équipage : Commandant Dirk Barbaix, Luc Cloes et Wanda Reynders) pour être placé en stockage de longue durée le 25 mars 2016, faute du déblocage d’un budget pour une révision majeure de l’appareil. C’était au tour du CM-02 de tirer sa révérence le 22 décembre 2016 (équipage : Cdt Barbaix et Cdt Beernaert).

Emblème au faucon spécialement apposé en septembre 2013 pour les 40 ans de service du Falcon 20 en Belgique. (Photo : Jean-Pierre Decock)
En finale sur la piste 25 droite de Zaventem, le Falcon 20E-5 CM-01 s’apprête à atterrir le 17 juillet 2012. (Photo : Jean-Pierre Decock)

La modernisation des Falcon 20 belges devait prolonger leur vie opérationnelle de trente ans, c’est-à-dire jusqu’en 2035, mais elle fut abrégée faute de moyens budgétaires, ce qui rend le départ de ce fidèle serviteur des ailes belges plus attristant encore.

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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