Bruxelles, le 26 février 2009. Conférence de presse pour les 25 années d’opérations humanitaires d’Aviation Sans Frontières Belgique (Piloten Zonder Grenzen) et la sortie d’un superbe livre richement illustré qui lui est consacré et qui est publié aux Editions Luc Pire.
Conférence de presse d’Aviation sans frontières/Piloten zonder grenzen le 26 février 2009, de gauche à droite : Nicole Ruyssen (bénévole), Philippe Dehennin (actuel président et l’un des fondateurs d’ASF) et Eric Lecloux (pilote chez ASF). |
Dans la foulée de MSF
Aviation sans frontières (France) a vu le jour en quelque sorte en tant que « spin off » de la grande organisation humanitaire et non gouvernementale Médecins sans frontières, une association aux objectifs généreux fondée au début des années 80. Très rapidement, des pilotes belges, mus par la volonté de contribuer à la résolution de graves problèmes humanitaires, ont constitué Aviation sans frontières Belgique sous la férule de Philippe Dehennin qui en est toujours, du reste, l’actuel président.
Il y avait certes du pain sur la planche et, dès 1984, ASF avec ses petits avions, ses pilotes et son personnel tous bénévoles sont allés, avec un cœur gros comme ça, soutenir les organisations caritatives (on ne parlait pas encore d’ONG à l’époque) oeuvrant au profit des populations du Sahel qui subissaient alors de plein fouet la pire sécheresse qui ait jamais frappé cette contrée africaine. L’Ethiopie, en proie à la famine, suivit de 1985 à 1988 et encore (et déjà !) le Soudan…
Un cliché qui résume bien l’environnement de travail d’Aviation sans frontières/Piloten zonder grenzen: sur une piste improvisée de latérite, cette terre rouge typique de l’Afrique, des auxiliaires montent la manche à air destinée à indiquer le sens d’atterrissage aux ailes de l’espoir. (Photo ASF/PZG) |
Dans les premiers temps de son existence, ce n’est pas uniquement, mais surtout, en Afrique qu’intervient ASF (ainsi que la majeure partie des ONG), continent cruellement démuni d’infrastructures où une demi-heure d’avion se compare à trois jours de marche… sans compter que l’Afrique est en outre victime de nombreuses catastrophes attribuables aux débordements de la nature autant qu’à la folie des hommes…
Un rapide survol du quart de siècle d’activité d’ASF/PZG nous mène en Ethiopie en 1985, puis au Tchad (1985-87), au Mozambique (1987-91) dans le cadre d’une vaste opération « save the children » en faveur des enfants soldats ainsi que pour combattre les épidémies s’abattant sur ce pays ravagé par la guérilla. C’est en 1988 qu’ASF intervient au Zaïre et y poursuit sans relâche son appui humanitaire et logistique jusqu’à présent qu’il est devenu République Démocratique du Congo. Ses actions s’étendent même à la région des Grands Lacs (1994-95), soit au Rwanda, au Burundi et en Tanzanie) et à l’est de la RDC (région de l’Ituri).
Un terrain d’aviation de fortune perdu en Centre Afrique: une étendue désertique à l’horizon illimité, le vent qui se lève et qui fait tourbillonner le sable, le pilote procédant à l’external check de son Cessna 206 (opportunément immatriculé OO-ASF)… une image qui synthétise admirablement bien l’univers d’Aviation sans frontières. (Photo ASF/PZG) |
Après un intermède en Amérique Latine pour des missions d’ambulance aérienne en Equateur de 1985 à 1994 et tout en poursuivant ses interventions en Afrique Centrale sans désemparer, ASF porte encore ses ailes en Sierra Léone (1995-96) et au Mali (2000-04). En Somalie, où règne le chaos et l’urgence humanitaire, ASF/PZG assume, en quelque sorte, les seuls services aériens de ce pays de 2005 à 2007. La mission la plus récente d’ASF/PZG lui a été confiée en 2008 par le WWF (World Wildlife Fund) et se déroule à Madagascar où un ULM contribue à cerner les zones à risques créées par la déforestation. Depuis 2008, et jusqu’à nouvel ordre, un Cessna 206 d’ASF/PZG est basé en permanence à Abéché (Tchad) à disposition exclusivement des ONG qui y sont actives.
Le spectre des missions confiées à ASF/PZG s’est complété, ces deux dernières années, d’escortes de migrants d’Afrique vers les USA et le Canada en collaboration avec l’OMI (organisation internationale pour les migrations dépendant de l’ONU).
Christophe Smets, dont les photographies illustrent le livre consacré aux 25 ans d’ASF/PZG, raconte quelques anecdotes relatives à celles-ci. |
Un parc aérien modeste mais tres productif
Le parc aérien qu’ASF/PZG possède en propre se compose actuellement de deux Cessna 206 et d’un Cessna 207 gréé d’un turbopropulseur, chacun de ces monomoteurs pouvant emporter, en une seule rotation, jusqu’à 500 kg de fret ou 7 passagers. Ces appareils conviennent particulièrement bien aux missions de l’organisation, lesquelles s’effectuent dans des conditions ingrates et depuis ou vers des pistes d’atterrissage rudimentaires ou non préparées. Le grand potentiel d’heures d’exploitation des machines et leurs faibles exigences en termes d’entretien font des Cessna les avions de prédilection pour les prestations habituelles d’ASF/PZG. En fait, le plus grand problème logistique aérien réside dans l’approvisionnement des divers terrains d’aviation de fortune en avgas 100 LL (essence spécifiquement aviation) conditionné en barils de 200 litres. Le prépositionnement du carburant indispensable ne peut se faire souvent que par avion. Par ailleurs, dans des contrées où tout manque cruellement, l’essence est évidemment un produit très convoité et une des tâches primordiales des pilotes et des membres d’ASF/PZG est de recruter du personnel local fiable pour gardienner le précieux carburant.
En plus des trois Cessna, ASF/PZG a loué un ULM pour des missions photo entamées au-dessus de Madagascar en 2008 et loue à intervalles réguliers des avions de plus grande capacité. Du reste, ASF/PZG était propriétaire jusqu’en 2006 d’un bimoteur Britten-Norman Islander et a loué autrefois des bimoteurs de 15 à 20 places, notamment un Dornier Do 228.
Une belle brochette de pilotes d’ASF/PZG; de gauche à droite: Lucas Declerck (pilote ASF mais aussi commandant à la KLM), Gilbert Mullenders (chef-pilote d’ASF et pilote de biréacteurs d’affaires ainsi qu’ancien pilote de Mirage V à la Force Aérienne) et Eric Decloux (pilote ASF et remorqueur de planeurs et de bannières publicitaires durant ses loisirs en Belgique). |
ASF/PZG: beaucoup d’enthousiasme… et de sueur
Si la finalité d’ASF/PZG est l’appui aérien des ONG, il convient de souligner que celui-ci requiert une immense organisation logistique pour y parvenir, et ce n’est pas tout ! Pour être à même d’effectuer ses vols humanitaires en Afrique, Aviation sans frontières consacre au bas mot 50% de son énergie à négocier les survols et les escales avec les représentants locaux, « gouvernementaux » et/ou rebelles !
Malgré tout, le travail accompli par ASF/PZG suscite l’admiration et peut se mesurer à l’aune de quelques données statistiques éloquentes quant à son action: 2.000 heures de vol en moyenne par an (le record étant de 5.000 heures en 2005 en Somalie), près de 7.000 passagers ainsi que 105 tonnes de fret transportés annuellement et tout cela avec une poignée d’avions monomoteurs légers mais principalement, et surtout, 120 logisticiens, chefs de mission (d’une durée de 3 à 6 mois) et pilotes bénévoles mais aussi spécialistes dans leurs domaines respectifs, car formés en Belgique et formés sur le terrain par des anciens.
C’est par leur engagement total et leur contribution inconditionnelle qu’Aviation sans frontières/Piloten zonder grenzen peut s’enorgueillir d’être l’ultime lien entre le secoureur et le secouru.
Les ailes de l’espoir – De vleugels van de hoop: le tout nouveau livre album cartonné retraçant superbement par le texte (de Louis Maraite) et les nombreuses photographies (de Christophe Smets) la formidable épopée d’ASF/PZG durant son quart de siècle d’existence. Publié aux Editions Luc Pire, il est en vente au prix très raisonnable de 35€ dans toutes les bonnes librairies du Royaume ou sur www.lucpire.eu. Faites-vous plaisir avec bonne conscience et achetez-le sans tarder, votre soutien personnel sera plus que bienvenu chez Aviation sans frontières/Piloten zonder grenzen. |
Dans le bénévolat, aussi, l’argent est le nerf de la guerre…
Il est évident que les bénévoles d’ASF/PZG ont besoin de moyens financiers pour faire voler leurs avions (un litre d’avgas coûte environ 2,50€) mais, grâce au ciel, si l’on peut ainsi s’exprimer, des organisations internationales telles que l’ECHO (l’organisation humanitaire de l’Union Européenne), l’OCHA (organisation de coordination d’aide humanitaire de l’ONU), l’OIM déjà citée et, dans une certaine mesure, les ONG que soutient ASF/PZG financent ou cofinancent les opérations. Le financement intégral comprend les contributions financières de plusieurs entreprises du secteur privé ainsi que de nombreux donateurs parmi le public.
En guise de conclusion, pas de tirades ronflantes mais un grand coup de chapeau et un vibrant bravo à Aviation sans frontières/Piloten zonder grenzen pour leurs 25 ans d’action à tire d’ailes en territoires sinistrés… afin de rendre le monde un peu plus humain.
Jean-Pierre Decock
Photos: Paul Van Caesbroeck
Pour en savoir plus: www.asfbelgium.org