Namur-Temploux, le 15 mars 2010. L’hélicoptère Robinson R.44 tout noir et rutilant se profile sur le tarmac et le contact est établi avec le représentant d’Elia pour effectuer un vol peu banal, en l’occurrence une mission d’observation des lignes électriques à haute tension pour le compte d’Elia.
Le briefing
Guy Simon et Alain Marcoux, de la société Elia, donnent un briefing détaillé de la mission de même que sur l’entreprise qui la commandite. Tous deux sont en effet observateurs d’infrastructures de lignes à haute tension dont la société Elia est gestionnaire. Cette société de transport du courant électrique gère virtuellement 100% des divers réseaux de lignes à haute tension s’étageant de 30.000 à 220.000 volts et aussi celles de 380.000 volts qui sont nettement plus rares. Ces lignes électriques sont aériennes, ce qui justifie une inspection par hélicoptère cinq à six mois par an. Ces observations aériennes sont incontestablement plus rapides et plus rentables dans un intervalle de temps déterminé que les visites de pieds de pylônes et autres élagages d’arbres qui se font obligatoirement par véhicule ou encore celles effectuées sur le terrai par l’organisme agréé Vinçotte.
Le Robinson R.44immatriculé OO-PML de Paramount Helicopters sur le tarmac hélicoptère de Namur-Temploux. |
Elia a divisé la Wallonie et la Flandre chacune en quatre secteurs afin de quadriller son réseau de lignes à haute tension à raison d’une centaine d’heures d’observation en hélicoptère par an, soit au total environ 800 heures annuellement. La chose est nécessaire, vu la densité du réseau de transport d’électricité en Belgique (qui est un des rares pays d’Europe Occidentale ayant un important potentiel d’exportation d’électricité auquel ses grands voisins font fréquemment appel). En outre, les lignes à haute tension des chemins de fer sont également intégrées à la surveillance exercée depuis le ciel. Elia effectue le contrôle des réseaux sous sa responsabilité selon les directives du CREG (Comité de Régulation Electricité et Gaz), son organisme de contrôle composé de représentants des pouvoirs publics et d’investisseurs privés émanant principalement du monde de la production et de la distribution d’énergie.
L’équipage du jour (de gauche à droite) : Theo Lens, le pilote qui tient les petits sacs de lest à placer à l’arrière de l’habitacle lorsqu’il n’y a pas de 3ème passager, Guy Simon et Alain Marcoux, respectivement observateurs de la mission de l’après-midi et de la matinée. |
La mission du jour est prévue dans le secteur de Namur – qui ne compte pas moins de 3.500 pylônes, et donc un kilométrage considérable de lignes à haute tension – selon une ligne de vol Namur-Temploux vers Gouy-lez-Piéton et finalement Baulers (au nord de Nivelles) en faisant un large crochet par le sud et l’ouest de l’agglomération de Charleroi. Une grande partie du trajet se déroulera donc à l’intérieur de la zone de contrôle de l’aérodrome de Gosselies, mieux connu en tant que Brussels South par les passagers de Ryanair et d’autres compagnies aériennes dites « low cost ».
Theo Lens aux commandes de l’OO-PML. | Guy Simon d’Elia, un observateur chevronné des linges et pylônes à haute tension. |
L’engin
Fort bel engin, l’hélicoptère Robinson R.44 immatriculé OO-PML appartient à la S.A. Paramount Helicopters qui en exploite huit (R.22 biplaces et R.44 tri-quadriplaces) depuis sa base de Diest-Webbekom. Paramount a conclu un contrat d’observation de lignes électriques à haute tension avec Elia en Belgique mais également avec un transporteur de gaz et d’électricité aux Pays-Bas, ce qui explique que cette société dispose de cinq pilotes professionnels d’hélicoptère spécialisés pour de telles missions.
Robinson est l’un des plus importants producteurs d’hélicoptères au monde et a construit, de fin 1992 à fin avril 2005, quelques 2.207 exemplaires du R.44 (dont une version spéciale pour plusieurs corps de police) pour un grand total de 6.000 hélicoptères de tous types assemblés par cette entreprise aéronautique californienne. C’est donc à bord d’un engin à voilure tournante d’une technologie fiable et éprouvée que le périlleux périple sera effectué en ce beau jour de mars 2010.
L’équipage
D’abord – et à tout seigneur, tout honneur – le pilote Theo Lens qui a effectué tout son entraînement et obtenu sa licence de pilote professionnel d’hélicoptère exclusivement en Belgique. Theo Lens totalise 1.500 heures de vol à voile (ou de vol sans moteur en planeurs) et 2.400 heures de vol sur hélicoptères. Pilote qualifié pour ce type de travail aérien, il effectue ses missions quasi quotidiennement (le seul obstacle étant la météo), tant en Belgique qu’en Hollande occidentale et déclare, avec beaucoup de modestie, qu’il s’est accoutumé au vol lent et à très basse altitude. La réalité veut que ce type de vol est très dangereux et requiert une acuité de pilotage et une attention de tous les instants pour le pilote car, en cas de pépin mécanique ou autre, il n’y a aucune réserve d’altitude quand on vole à 15 ou 20 mètres du sol, ni de vitesse quand on évolue à 10 ou 15 nœuds (17 à 25 km/heure)…
Les observateurs du jour délégués par Elia sont Alain Marcoux pour la matinée et Guy Simon pour l’après-midi. La carrière de celui-ci chez Elia s’étale sur une quinzaine d’années, dont pratiquement neuf dévolues pour une part appréciable de son temps à l’observation aérienne des linges à haute tension. Guy Simon, lyonnais d’origine, connaît particulièrement bien son affaire et n’est pas avare d’explications techniques, du reste d’une grande clarté, quant à la nature de la mission.
La centrale thermique Electrabel de Marchienne-au-Pont : la mission d’observation est entamée… |
La mission
L’OO-PML s’élève du tarmac de Temploux à 13 heures 35 et met aussitôt le cap à l’ouest en recoupant la Sambre à intervalles réguliers. L’altitude est de quelque 500 pieds (150 mètres) par rapport au sol. Arrivés à Sambreville, le cap s’oriente vers le sud et la descente s’amorce vers 100 pieds (30 mètres). Les nombreux terrils rappellent que nous volons au-dessus d’un ancien pays minier. L’agglomération de Charleroi s’étale au nord et à l’ouest. Survol de Mont-sur-Marchienne pour passer à côté de la centrale thermique Electrabel et de Couillet. Le vol se passe effectivement sous contrôle de Charleroi Airport et le trafic radio incessant laisse entendre à quel point cette plate-forme aérienne est active…
Nous obliquons vers le nord, c’est-à-dire Goutroux et, par le travers de Courcelles, nous gagnons la sous-station de Gouy-lez-Piéton, à l’ouest de l’agglomération carolorégienne, laquelle est examinée attentivement. Le vol se poursuit vers le nord pour atteindre Nivelles et Baulers, point final de l’itinéraire de la mission qui a amené l’OO-PML et son équipage à survoler de très nombreuses lignes à haute tension et plusieurs croisements justifiant un petit saut de puce de l’hélicoptère afin d’éviter les pylônes les plus élevés. Par moments, l’observation concernait pratiquement trois lignes à haute tension (de capacité différente) simultanément !
Pylônes de lignes à haute tension à la même hauteur, sinon un peu plus hauts, que l’œil scrutateur de l’observateur et du pilote dans les parages de Souvret/Courcelles. |
En moins d’une heure d’observation aérienne, il ne fait pas l’ombre d’un doute que la Belgique est un pays industrialisé et doté d’une infrastructure énergétique considérable et l’on comprend mieux, comme le disait Guy Simon, que nos voisins français, par exemple, nous l’envient.
Tout au long de ce vol au radada et selon un train de sénateur, pour en parler avec la désinvolture qui ne le caractérisait pas du tout, le pilote volait en crabe (latéralement) le long des lignes observées, permettant ainsi et à l’observateur et au pilote de voir tous deus lignes et pylônes de face depuis le formidable balcon qu’est l’habitacle d’un hélicoptère. La chose est impossible en avion, obligé qu’il est de voler en logeant les lignes électriques.
En finale sur Temploux, coup d’œil furtif à un Cessna 150 au point d’attente de la piste 06. |
En très courte finale vers l’aire de stationnement pour hélicoptères, face au bureau de contrôle de Temploux. |
Avec Nivelles dans le dos et prenant de la vitesse et un peu d’altitude, Theo Lens ramène le Robinson R.44 vers l’aérodrome de départ pour cette dernière partie du vol qu’on pourrait presque qualifier de promenade. Après une heure trente-cinq minutes de vol à haute tension, nous nous posons à Namur-Temploux, mission accomplie !
Jean-Pierre Decock
Vifs remerciements à Madame Lise Mulpas et Messieurs Jean Géronnez, Guy Simon et Alain Marcoux d’Elia ainsi qu’à Theo Lens de Paramount Helicopters.