Les vingt ans de Brussels South Charleroi Airport

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Gosselies, 26 octobre 2011. Brussels South Charleroi Airport (BSCA) a fêté cette année son 20ème anniversaire. Au-delà des diverses manifestations organisées à cette occasion dans le courant du mois de septembre, il nous est apparu intéressant de retracer l’historique de cette aventure.

Historique

C’est le 9 juillet 1991 que la société anonyme « Brussels South Charleroi Airport » voit officiellement le jour. Cette opération est une conséquence des décisions politiques de régionalisation des aéroports publics autres que Bruxelles-National. La Région Wallonne décide dans ce cadre de concéder la gestion de ses deux aéroports principaux – Charleroi et Liège – à des sociétés de droit privé, soumises aux lois sur les sociétés commerciales. A sa création, BSCA a pour actionnaire majoritaire le holding Sambrinvest.Depuis, elle s’est ouverte aux capitaux privés, avec l’arrivée en 2009 du groupe italien SAVE, qui gère notamment l’aéroport de Venise.Les deux aéroports, jusqu’alors peu actifs, vont contribuer au développement économique régional et créer des emplois bienvenus.BSCA se voit chargée de la gestion et du développement commercial de l’aéroport carolorégien. Les missions d’ordre public que sont la sécurité et le contrôle aérien sont pris en charge respectivement par le Ministère wallon de l’Equipement et des Transports (MET) et la Régie des Voies aériennes (RVA), devenue Belgocontrol en 1998.

 

 

L’ancienne aérogare, située au sud de l’aéroport.

Les débuts ne sont pas faciles. Mais le travail de mise en valeur de l’aéroport est mené de main de maître par l’équipe constituée par Marie Desseaux, administrateur délégué de BSCA de 1996 à 2001. Et le premier client en lignes régulières, la compagnie low cost Ryanair, inaugure le 1er mai 1997 une liaison quotidienne Charleroi-Dublin. Cette fréquence est triplée dès l’automne, et l’aéroport enregistre 211.000 passagers cette année. L’été suivant, la compagnie Air Algérie connaît des difficultés opérationnelles avec les aéroports parisiens et déplace une partie de ses vols vers Charleroi. Cela amènera 64.000 passagers supplémentaires, mais les opérations ayant lieu aussi de nuit, crée des difficultés avec les riverains qui se plaignent des nuisances sonores. Actuellement, l’aéroport est fermé la nuit de 23h00 à 06h00, sauf pour les arrivées d’avions basés retardés pour des raisons opérationnelles. Et la problématique des nuisances sonores a été gérée de façon pro-active par la Sowaer, avec un programme qui comprend des indemnisations conséquentes pour les riverains, soit par rachat de leurs maisons, soit par des primes à l’isolation.

Première base européenne de Ryanair

En 2001, l’aéroport carolorégien devient la première base continentale de Ryanair, qui y positionne deux avions. On passe soudainement de trois vols par jour vers une seule destination à quinze rotations quotidiennes vers sept destinations, Carcassonne, Glasgow, Londres, Pise, Venise et Shannon s’ajoutant à Dublin. Et on enregistre 773.000 passagers en un an. C’est le début du phénomène low cost dans notre pays. Cela ne se fait pas sans un immense effort de BSCA, qui doit engager et former en peu de temps le personnel nécessaire pour ces opérations, sélectionner et acheter le matériel de handling, étudier et développer des procédures permettant de garer les avions et de réaliser toutes les opérations de débarquement et embarquement des passagers et bagages en 25 minutes de turn around ! Une solution d’urgence est trouvée aux besoins de parkings de voitures supplémentaires, l’ancienne aérogare au sud du terrain ne disposant que de 500 emplacements: une dalle en béton au nord est transformée en parking et un système de navettes amène les passagers vers l’aérogare. Une centaine de personnes sont engagées et formées en moins de deux mois, démontrant ainsi l’impact social positif du développement aéroportuaire dans une région à haut taux de chômage. Rome et Liverpool sont desservis à partir de l’été 2002. Et la progression est foudroyante: près de 1.300.000 passagers en 2002, 1.800.000 passagers en 2003.

 

Côté air, un Boeing 737-800 de Ryanair est garé à proximité immédiate de l’ancienne aérogare, condition indispensable pour les rotations rapides  imposées par le low cost.

Si Ryanair a choisi Charleroi comme première base européenne, et y a développé ses activités, ce fut au terme de négociations âpres et difficiles avec le Gouvernement wallon de l’époque, qui lui concèdera une série d’aides financières conséquentes. La Commission Européenne ouvre une enquête en 2003-2004 sur les conditions d’octroi de ces aides. Il faut rappeler qu’à cette époque il n’existe pas de cadre légal en la matière, même si le phénomène existait dans différents pays au niveau national (en France notamment, avec le support des Chambre de Commerce locales). L’enquête européenne concluera qu’il y avait aides illégales, et il faudra renégocier un nouveau contrat avec le transporteur irlandais pour respecter les nouvelles règlementations européennes. Il sera conclu en décembre 2005.

Le statut de « client unique » de Ryanair est inconfortable. BSCA déploye des efforts immenses pour attirer d’autres transporteurs et signe avec un deuxième opérateur low cost, la compagnie hongroise Wizz Air, qui inaugure des vols en Airbus A320  vers Varsovie et Budapest en juillet 2004. Elle devient un client important et rajoute au fil des années de nouvelles destinations dans les pays de l’Est (Bucarest, Katowice, Prague, Sofia). La barre des deux millions de passagers est franchie en 2004.

 

En 2004 Wizzair devient le deuxième opérateur régulier de Brussels South et opère en Airbus A320 vers les pays de l’est.

L’aviation générale

L’aviation générale est et reste un utilisateur important. Plusieurs écoles de pilotage y ont leurs sièges, et de nombreux avions privés y sont basés. Ils disposent de hangars du côté sud de l’aéroport. Tant que la coexistence est possible, BSCA souhaite la continuation de ces activités. Mais il faudra envisager à terme, en coordination avec ces entreprises, un transfert de certaines activités en fonction du développement du trafic commercial. L’aviation d’affaires devient par contre un acteur important. L’aéroport n’étant pas « coordonné » (c’est-à-dire appliquant un système de slots), et situé à proximité à la fois des sites industriels wallons et de Bruxelles, il attire de plus en plus d’opérateurs de la business aviation. Et le projet de « Jet Centre » de BFG (Belgian Flight Group) est la suite logique du développement des activités de handling spécialisé dans l’aviation d’affaires opéré sous le sigle BFH (Belgian Flight Handling) dans des locaux réaménagés de l’ancienne aérogare. Ce sera un véritable terminal pour l’aviation d’affaires, qui devrait être opérationnel en 2012.

 

Private Wings opère un « corporate shuttle » régulier entre Ingolstad et Charleroi, contribuant à la diversification du trafic et au développement de l’aviation d’affaires.

Développement permanent des infrastructures

La croissance nécessite la construction d’une nouvelle aérogare. Les études débutent dès 2001, et les travaux commencent en 2005. BSCA opte pour un terminal permettant d’offrir aux passagers toute une série de services et commerces qui diversifient ses sources de revenus. D’énormes surfaces de parking sont construites à proximité immédiate du terminal. Un système sophistiqué de traitement des bagages est mis au point et les flux de passagers sont optimisés pour raccourcir les temps d’embarquement, une exigence du modèle low cost basé sur des temps de rotation très courts. Le nouveau terminal est officiellement inauguré en grande pompe par le Prince Philippe de Belgique le 28 janvier 2008. Entretemps, deux autres compagnies ont choisi de desservir la plateforme carolorégienne: Jet4you, dans laquelle Jetairfly a une participation, inaugure des vols vers le Maroc (Casablanca) en novembre 2006, et Private Wings lance une ligne vers Ingolstadt le 1er novembre 2007.En octobre 2008, Jetairfly base un premier Boeing 737-800 à Charleroi et opère depuis vers un nombre de plus en plus important de destinations méditerranéennes. Ce qui contribue pour BSCA à une diversification de sa clientèle et à un accroissement de ses destinations.

 

Vue aérienne de la nouvelle aérogare, inaugurée en 2005, avec en arrière-plan le zoning industriel « Aéropole ».

L’infrastructure pré-existante ne répondait plus aux normes requises pour une opération régulière de cette envergure. L’ancien ILS ne permettait des approches qu’avec 600 mètres de visibilité, et cela entraînait en fonction du brouillard des annulations et des retards de vols. Il est remplacé début 2009 par un nouvel ILS de Catégorie III, installé et géré par Belgocontrol, qui permet d’atterrir avec seulement 150 mètres de Runway Visual Range (RVR) !

 

L’ILS Catégorie III, mis en service en 2009, a permis d’améliorer sensiblement à la fois la sécurité et la ponctualité des vols.

L’implantation de la nouvelle aérogare au nord de l’aéroport, alors que l’ancien terminal et la tour de contrôle se trouvent au sud, a aussi nécessité la construction d’un nouveau taxi-track nord, pour éviter les traversées de pistes. Les équipements de la tour de contrôle ont été modernisés et incluent notamment un système de surveillance du trafic par vidéo-caméras, couvrant les zones moins visibles ou plus éloignées, et améliorant ainsi à la fois la sécurité et la fluidité du trafic. Il est prévu de construire une nouvelle tour, mieux située par rapport à la nouvelle aérogare. Des discussions techniques entre Belgocontrol, qui gère le trafic, et BSCA et la Sowaer, sont en cours afin de trouver le terrain le plus approprié pour implanter la future nouvelle tour. Il faut en effet tenir compte à la fois de la nécessité pour les contrôleurs aériens d’avoir une meilleure vision du trafic sur le côté nord de l’aéroport, et des contraintes environnementales et règlementaires. BSCA prévoit entretemps de construire une mini-tour secondaire au sommet de l’aérogare pour la gestion des mouvements sur l’aire de parking principale.

 

La tour de contrôle actuelle, gérée par Belgocontrol, a été rééquipée et bénéficie des technologies les plus modernes.

La piste actuelle fait 2.550 mètres de long, ce qui convient parfaitement pour les destinations européennes et méditerranéennes. Un allongement idéal à 3.400 mètres, étudié depuis des années, permettrait d’envisager des destinations plus lointaines, voire intercontinentales. Après un long et lent parcours, un compromis politico-juridique typiquement belge a abouti à « couper la poire en deux » en autorisant un allogement réduit, mais qui ne répond pas aux besoins opérationnels. Dans ces conditions, l’investissement nécessaire ne pourrait être rentabilisé valablement et ce dossier n’est actuellement plus prioritaire.

L’aérogare, conçue initialement pour accueillir 3,5 millions de passagers/an, en enregistre près de 6 millions cette année. Cette croissance continue a imposé, à peine trois ans après sa mise en service, la construction de quatre nouvelles portes d’embarquement. Inaugurées fin juin 2011, elles permettent de fournir plus de place aux voyageurs et de traiter 16 avions simultanément.

 

Le trafic « vacances » s’est développé, à la fois en vols réguliers et charter. La compagnie marocaine Jet4you opère en B737 vers Casablanca depuis 2006, et Jetairfly base trois Boeing 737-800 à Charleroi.

Les trois axes du développement

BSCA met actuellement la touche finale à son Master Plan prévu pour fin 2011. Celui-ci prévoit trois axes de développement: dans un premier temps, l’agrandissement des surfaces de parking avions, possibles tant vers l’ouest que vers l’est; l’agrandissement du terminal passager, également possible dans les deux directions; et l’amélioration de l’accessibilité tant routière que ferrovière.

Cette dernière nécessite la coopération de différents autres acteurs, mais des progrès importants ont été réalisés. La liaison par chemin de fer se fera avec une traversée en tunnel sous l’aéropole et l’aéroport pour rejoindre une gare en sous-sol du terminal passagers, avec accès direct à celui-ci. Elle permettra l’accessibilité par transport public depuis les grandes villes wallonnes et Bruxelles, ainsi que les localités frontalières qui font partie de la zone d’achalandage de Brussels South, telles que Maastricht, Cologne, Luxembourg, Lille. Les projets comportent également la réalisation d’un parking de 1.500 places. Si l’ensemble des études et des ouvrages d’art se font dans les délais prévus, on pourrait envisager une mise en service de la gare en 2019. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une politique de mobilité durable.

 

Vue de la zone « transit » de l’aérogare, avec ses activités commerciales de restauration et de boutiques.

Tenir une croissance à deux chiffres pendant plusieurs années nécessite de se fixer des objectifs clairs et de prévoir l’infrastucture nécessaire pour les réaliser. BSCA opte pour ce qu’ils appellent une « croissance maîtrisée ». En fonction des limitations d’infrastuctures, l’entreprise travaille en parténariat avec ses clients actuels et futurs afin de s’adapter à ces contraintes. En clair, on cherche à rentabiliser au maximum les installations et les effectifs

en proposant plus de départs vers de nouvelles destinations aux heures creuses. Grâce à une meilleure répartition des vols en cours de journée, on peut arriver à une capacité de 8 à 10 millions de passagers dans la structure actuelle. Cet objectif ne pourra cependant être atteint qu’en fonction d’une évolution dans la relation « aéroport/fournisseur de services-clients » vers une relation de partenariat.

L’actuel CEO de l’aéroport, Jean-Jacques Cloquet, lors de la conférence de presse consacrée au 20è anniversaire de BSCA, commentait l’événement: « Quels changements depuis la création de Brussels South Charleroi Airport en 1991 ! D’un petit aéroport régional inconnu, nous sommes devenus aujourd’hui le deuxième aéroport de Belgique et nous attirons même des voyageurs depuis les Pays-Bas, le Luxembourg et le nord de la France. Alors que nous enregistrions 210.727 passagers en 1998, nous avons cloturé 2010 avec près de 5,2 millions de voyageurs, soit une augmentation de 2.465% en 12 ans ! Ce bond gigantesque a été rendu possible grâce au travail et à la motivation de chaque personne travaillant sur le site de l’aéroport. C’est à eux que nous devons ce succès » !

 

Jean-Jacques Cloquet, l’actuel CEO de BSCA, et David Gering, Directeur Commercial Aviation, PR et Communication.

BSCA peut être fière de son bilan après 20 années d’existence. Pas moins de 88 destinations sont desservies au départ de l’aéroport carolorégien, dont 71 par Ryanair, 6 par Wizzair, 17 par Jetairfly, 1 par Jet4you. Cela représente une moyenne de 54 vols réguliers par jour. Pas moins de 17 Boeing 737-800 (14 Ryanair et 3 Jetairfly) sont basés à Charleroi. De nouvelles lignes sont annoncées pour cet hiver: Manchester (Ryanair), Alicante et Oran (Jetairfly).

Pour ce qui concerne spécifiquement l’emploi, BSCA employe plus de 500 travailleurs, et l’aéroport de Charleroi compte près de 2.700 emplois si l’on y ajoute les effectifs présents sur le site (concessionnaires ou personnel affecté à la sûreté aéroportuaire). Qui aurait cru à de tels chiffres il y a vingt ans…

Texte et photos: Guy Viselé

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Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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