Bruxelles sous les ailes

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Bruxelles, le 21 juillet 2012, jour de liesse nationale et de défilé militaire terrestre mais également aérien. Pendant une vingtaine de minutes, Bruxelles sera sous les ailes (aussi sous les rotors) et pas uniquement celles frappées de la cocarde brabançonne noir, jaune et rouge mais aussi de celles, fixes ou tournantes, de l’avenir, c’est-à-dire de l’équipement qui sera celui de certaines unités de notre arme aérienne dans un futur plus ou moins rapproché.

Le seul Falcon 900 triréacteur de la Composante Air (CD-01) en courte finale sur la piste 25 droite de Zaventem en fin d’après-midi lors de son vol de repérage du 17 juillet.

On prend ses marques
Le défilé aérien de la fête nationale est l’aboutissement de nombreux préparatifs et répétitions. Faire défiler quarante-sept avions et hélicoptères en bon ordre au-dessus du palais royal et dont les vitesses s’échelonnent de 195 (pour le plus lent) à 600 km/h (pour les plus véloces) procède de nombreux paramètres mais en aucun cas de l’improvisation! Plusieurs survols de Bruxelles ont lieu en préambule au jour J. Il y a d’abord celui des seuls leaders des formations de trois ou quatre appareils et forcément les appareils individuels qui font un premier survol de la capitale afin de prendre leurs marques pour le grand jour. Ce vol de repérage a eu lieu cette année le 17 juillet. Une fois cet exercice indispensable effectué, il est procédé à une répétition générale quelques jours avant l’événement proprement dit, cette année c’était le 19 juillet, permettant ainsi à toutes les machines volantes de prendre leurs distances et espacements optimaux, mais aussi de caler les altitudes et vitesses de vol idoines.

Le Lockheed C-130H Hercules CH-04 a terminé sa prise de repères et rentre à la base le 17 juillet; c’est à bord de ce même appareil que nous assisterons au défilé quatre jours plus tard.
Lors de la conférence de presse du 19 juillet à Melsbroek, démonstration d’une intervention « coup de poing » d’un commando aéroporté. Après un atterrissage d’assaut ultra court avec la trappe de la soute baissée, le CH-04 vient de débarquer une jeep armée et un peloton de para-commandos qui investissent leurs positions en deux temps trois mouvements alors que le C-130H qui vient de les y amener dégage les lieux.

On explique la manip
Une conférence de presse était organisée le 19 juillet par la DG Information et Relations Publiques de la Défense à l’aérodrome de Melsbroek où le déroulement des défilés terrestre autant qu’aérien était exposé par le menu. Outre l’évocation des opérations extérieures des forces armées belges au cours de l’année écoulée, soit au Liban, en Afghanistan et en Lybie, deux thèmes majeurs préludaient à la parade militaire de la fête nationale 2012, à savoir « pooling and sharing » (mutualisation et partage) et les 70 ans des commandos et parachutistes belges/60 ans du régiment para-commando.

Sur le tarmac près de l’aérogare militaire le 19 juillet, quelques C-130H et l’Airbus A 330 du 15ème wing qui vont participer au défilé du 21. L’intrus dans la rangée est un Transall turc qui est reparti peu après.
Une « drache » bien nationale a permis une répétition générale du défilé aérien pratiquement en conditions réelles. Avec la tour de contrôle de Bruxelles National à l’arrière-plan, le F-16AM (FA-135) exemplatif des huit avions de ce type qui défileront sur Bruxelles en compagnie de l’Eurocopter EC 120 Colibri (F-HBKE) de l’école de l’ALAT française de Dax où sont dorénavant formés les futurs pilotes belges d’hélicoptère. Cet appareil est l’un des 36 (dénommés Caliope pour la circonstance) mis en opération par Helidax et qui furent livrés en 2010-2011 à cet opérateur civil, suite à l’externalisation par la défense française de la formation des pilotes de voilures tournantes. Cet hélicoptère a été amené de Dax par deux instructeurs belges détachés à l’EALAT qui décolleront de Beauvechain en compagnie des A 109 pour défiler sur Bruxelles.

La mutualisation et le partage des personnels et des matériels est indubitablement le fil rouge des forces armées belges depuis de nombreuses années et le sera plus que jamais à moyen et long terme. Dans cette optique, l’aviation militaire belge fait figure de grand précurseur dans deux domaines.

Représentatif de la mutualisation des moyens de transport aérien de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Belgique, ce C-160 Transall est venu pour défiler au-dessus de Bruxelles. Il est immatriculé 50+67 au Lufttransportgeschwader 63 basé à Hohn, non loin de la frontière danoise.

Par les accords de 2004 en matière d’entraînement des pilotes d’avion de chasse et de transport, les Belges et les Français furent les pionniers parmi les nations européennes en matière d’intégration et de mutualisation. Ils ont, en effet, mis leurs Alphajet en commun pour l’entraînement avancé et opérationnel de leurs pilotes de combat depuis septembre 2005 sur les bases françaises de Tours et de Cazaux. Parallèlement, la formation avancée des pilotes de transport des deux pays se fait sur Embraer Xingu français sur la plate-forme d’Avord.

Le SIAI Marchetti SF 260M des Diables Rouges (ST-27) a été amené en vol à Melsbroek par le Lieutenant Stefaan Braem, ailier gauche dans la patrouille, qui est assis sur l’aile. Cet appareil de la 5ème escadrille du 1er wing training de Beauvechain représente les huit SF 260 (dont les quatre Diables Rouges) qui se suivront en deux boîtes de quatre le 21 juillet.

La filière de formation des pilotes d’hélicoptère est tout autant intégrée et l’entraînement initial se fait à l’école de l’aviation légère de l’armée de terre (EALAT) française à Dax depuis 2006.

L’Agusta A 109 (immatriculé H39) du wing héli de Beauvechain était exposé dans le hangar de Melsbroek durant la présentation à la presse le 19 juillet. A l’issue de celle-ci et alors que l’averse « bien de chez nous » se termine, pilotes et mécanos le positionnent sur le tarmac à la force de leurs bras, faute de tracteur ad hoc sur la base.

L’European Air Transport Centre a officiellement pris ses quartiers à l’aérodrome d’Eindhoven au Pays-Bas le 1er septembre 2010. Ce nouvel organisme regroupant des avions de transport français, allemands, néerlandais, britanniques et belges reçoit et redistribue les demandes de transport aérien et de ravitaillement en vol entre les nations participantes. Cette mise en commun des matériels accroît considérablement la mobilité mais aussi l’efficacité et la rentabilité des forces armées membres et pas uniquement pour les opérations extérieures à longue distance. Cette mutualisation sera le gage d’économies d’échelle encore plus substantielles avec la mise en service, entre 2013 et 2019, des nouveaux gros porteurs Airbus A400M Grizzly acquis par l’ensemble des partenaires (Pays-Bas exceptés).

Venu directement de l’usine EADS de Toulouse, le prototype de l’Airbus A400M Grizzly immatriculé F-WWMT a effectué son premier vol el 11 décembre 2009. Ce gros avion cargo a fait gronder les 44.000 chevaux de ses turbopropulseurs dans le ciel bruxellois pour la première fois : chacun des propulseurs développe l’équivalent de 11.000 CV et c’est le moteur d’aviation le plus puissant jamais développé par un avionneur occidental. La Belgique en a commandé sept exemplaires qui seront mis en service avec un huitième, acquis par le Grand Duché du Luxembourg, à partir du printemps 2019, sauf imprévus. Le programme européen de l’A400M a subi des retards importants à plusieurs reprises et ce n’est qu’en 2013 que les premiers A400M entreront en service à l’Armée de l’Air française. (Jérôme Decock)

Le dynamisme de notre aviation coopérant avec celle des nations voisines ou de l’OTAN servait de socle pour justifier la présence, lors du défilé aérien de cette année, des appareils mettant en évidence les multiples mises en commun des moyens d’entraînement et de transport. C’est la raison pour laquelle les Bruxellois ont pu voir évoluer des machines pour le moins insolites dans le ciel de la capitale : hélicoptères Eurocopter Colibri (aussi nommé Caliope) et NH 90, bimoteurs Embraer Xingu et Transall et, pour la toute première fois, l’imposant Airbus A400M Grizzly.

Le NH 90 N-164 que le squadron 860 de la Koninklijke Marine basé à De Kooy a perçu récemment participait au défilé aérien du 21 juillet au départ de Coxyde dont il complétait la formation composée de l’Alouette III et de deux Seaking de la 40ème escadrille. La Belgique a commandé huit NH 90 (quatre en version NFH et quatre en version TTH de transport) le 18 juin 2007 et le premier appareil devrait être livré à la 40ème escadrille début 2014, la mise en service prévue fin 2011/début 2012 ayant été retardée à plusieurs reprises. (Tom Brinckman)
Le 21 juillet en début d’après-midi, les deux Embraer ERJ135 (CE-02) et ERJ145 (CE-03) de la 21ème escadrille du 15ème wing sont positionnés sur le tarmac de l’aérogare militaire en vue d’embarquer leurs passagers.

Les synergies et la portée des accords de mutualisation furent amplement développées par le Colonel Aviateur Thierry Dupont en notant, au passage, que la Belgique est souvent citée en exemple pour ses initiatives et ses accomplissements en matière de coopération internationale, tant au niveau de conventions bilatérales que de l’Union Européenne ou de l’OTAN.

Le Dassault Mystère XX ou Fan Jet Falcon immatriculé CM-02 à la 21ème escadrille rejoint les deux Embraer sur le tarmac ce l’aérogare militaire afin d’embarquer quelques VIP.

On défile enfin…
Le grand jour est enfin arrivé et l’effervescence est grande sur les diverses bases de la Composante Air de la Défense. Pour notre part, non nous rendons à l’aérodrome de Melsbroek en vue de participer à l’événement à bord d’un C-130H Hercules de la 20ème escadrille du 15ème wing. Une fois les formalités remplies et avoir suivi le briefing de sécurité, l’embarquement a lieu peu après 15 heures à bord du CH-04. Les moteurs sont lancés à 15H22 et le décollage (ultra court) de la piste 25 droite de Zaventem a lieu à 15H35. La formation des trois Hercules belges (leader CH-05, aile gauche CH-04 et aile droite CH-12) prévus dans le défilé suivie du C-130H (G-781) néerlandais et du Transall allemand (50+67) évolue en formation lâche sur le Brabant Flamand, les provinces d’Anvers, de Flandre Orientale et Occidentale pour mettre le cap à l’est un quart d’heure plus tard. Une fois passé Alost, les gros quadrimoteurs resserrent leur formation, car le palais royal et à moins de dix minutes. Aux abords de la capitale, les Alphajet chargés de tirer les fumigènes noir, jaune et rouge défilent en dessous et par le travers de la route des Hercules. Le passage sur l’objectif du jour et imminent et, à 16H10, c’est le top verticale tribune royale.

En route pour embarquer à bord du Lockheed C-130H Hercules CH-04, flanqué du C-130H néerlandais G-781 à gauche et du Transall 50+67 allemand à droite et des C-130H CH-12 et CH-05 qui vont tous bientôt décoller pour aller se pavaner sur Bruxelles. L’empennage du Falcon 900 belge occupe la partie droite du cliché, tandis qu’un Airbus A 319 de Brussels Airlines (visible juste en avant de la dérive du G-781) va se poser sur la piste 25R.
En vol en formation pas trop serrée au-dessus du plat pays, le CH-12 est l’ailier droit du trio de C-130H qui va bientôt se pointer sur Bruxelles.

Le défilé aérien 2012 s’est déroulé impeccablement, les appareils se sont suivis dans le bon ordre, les Alphajet ouvrant le bal suivis par deux box de quatre F-16, deux box de quatre SF 260M dont le quatuor des avions écarlates de la patrouille des Diables Rouges, le trio de Xingu venus d’Avord, deux vic 3 d’Agusta A 109, le resplendissant Colibri rouge et blanc de l’école de l’ALAT de Dax, la vénérable Alouette III (en service depuis 42 ans dans l’ex flight héli de la marine) encadrée par deux Seaking, les trois C-130H belges suivis du C-130H néerlandais, du C-160 Transall allemand, des Mystère XX, Falcon 900, Embraer ERJ 135 et ERJ 145 belges et, fermant la marche en apothéose, le prototype de l’Airbus A400M Grizzly venu tout droit de Toulouse et qui y retournera sans faire escale dans notre beau pays.

Formation très serrée des CH-05 (leader) et CH-12 (ailier droit) peu après avoir passé la « tour des pensions » à Bruxelles Midi, le palais royal n’est plus qu’à une poignée de secondes. La photo a été prise depuis le hublot de la trappe de sortie de secours tribord du CH-04, ailier gauche dans la formation.

Il est près de 16H20, chacun des participants se hâte de regagner son port d’attache et notre C-130H survole, à l’orée de la forêt de Soignes, les Agusta A 109 qui s’en vont rallier leur nid à Beauvechain. Plutôt que de virer sec vers Bruxelles National, les équipages des C-130H Hercules belges se lancent dans un substantiel entraînement de vol en formation serrée et à basse altitude sur le nord-est de la contrée pour le plus grand plaisir de la douzaine de passagers de la presse à bord du CH-04. Cette formidable expérience de près de trois quarts d’heure est ponctuée par l’atterrissage du dispositif à 17H12 avec retour au paddock du 15ème wing où les moteurs sont coupés à 17H17. Merci de tout coeur aux équipages des trois Hercules et, en particulier, à celui du CH-04 pour cette fastueuse célébration de la fête nationale dont on se souviendra longtemps encore, d’autant plus que la fameuse « drache » nationale n’était pas au rendez-vous!

Après un happy flight et un happy landing, il ne peut sortir de l’avion qu’un happy crew, en l’occurrence l’équipage du C-130H CH-04 qui a défilé sur Bruxelles : de gauche à droite, le 1er Sergent-major Koen Lommelen flight engineer, l’Adjudant Koen Ceulemans loadmaster 1, le 1er Sergent-major Johan De Graeve loadmaster 2, le Commandant Steven Van der Vorst copilote et le Lieutenant-colonel Gerd Finck commandant de bord.

Remerciements à Comopsair IRP à tous les niveaux pour leur assistance appréciable et remerciements chaleureux à l’équipage du CH-04 pour leur sympathique accueil.

Texte et photos : Jean-Pierre Decock

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Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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