Matagne-la-Petite, le 30 septembre 2012. De nombreux ULM sont sortis du hangar quand nous découvrons le splendide cadre champêtre de cet ulmdrome. Un petit biplan Murphy Renegade Spirit caracole dans un ciel d’azur et attire de suite notre attention. Il se présente en finale pour atterrir et non ne pouvons résister au plaisir de l’approcher une fois le moteur coupé et que s’en extirpe le pilote, José Derlet, l’un des quatre commandants de ce fantastique repaire pour ulmistes.
Le superbe Murphy Renegade Spirit immatriculé 59-ACN : un petit biplan biplace de construction amateur au délicieux look rétro piloté par José Derlet, l’un des quatre commandants de l’ulmdrome de Matagne-la-Petite. (Photo Paul Van Caesbroeck) |
Un environnement d’exception
Matagne-la-Petite est située dans la fagne, la contrée vallonnée et verdoyante entre Sambre et Meuse, en l’occurrence presqu’à sa limite orientale, car très proche de la vallée de la Meuse à l’endroit où elle serpente dans la poche de Givet, le saillant français pénétrant en Belgique. La crête boisée située à une portée d’arbalète de la limite sud de l’ulmdrome correspond à peu près au tracé de la frontière et se double d’une ligne à haute tension. La présence de celle-ci n’est pas fortuite, étant donné la proximité de la centrale nucléaire de Chooz sur la Meuse dont on voit nettement s’élever les plumets de vapeur culminant comme de petits cumulus moutonnant dans le ciel bleu. Ces colonnes de vapeur visibles à des dizaines de kilomètres sont une marque d’identification flagrante pour les utilisateurs de la plate-forme de Matagne-la-Petite. Situé à flanc de coteau en pente douce, l’ulmdrome offre une piste orientée est-ouest (06-24) de 150 mètres de longueur sur 50 de largeur et la partie nord du terrain est actuellement en friche en vue d’ouvrir une nouvelle piste 33-15 engazonnée de 150×50 mètres pratiquement dans un axe nord-sud. En réalité, lorsque la seconde piste aura été nivelée, le champ d’aviation sera pour ainsi dire un grand carré de pratiquement 150 mètres de côté permettant les atterrissages et décollages face au vent, quelle qu’en soit la direction, c’est-à-dire dans des conditions idéales pour des aéronefs ultralégers.
José Derlet vient de quitter son Renegade Spirit et d’enlever son casque de cuir. (Photo Jean-Pierre Decock) |
HM 14 Pou du Ciel en finale sur la piste 24 : ce splendide biplan à ailes décalées est piloté par son nouveau propriétaire Eddy De Troyer. (Photo Paul Van Caesbroeck) |
Les hangars en bordure nord du site offrent un abri à toutes les machines qui y sont basées et un club house avec parking se trouve à la frange sud du terrain. L’ulmdrome de Matagne-la-Petite se niche donc dans un cadre de verdure bucolique et très agréable pour les adeptes de l’aviation ultralégère.
Le Chickinox piloté par Luc Clarembaux se présente à l’atterrissage sur fond de plumets s’échappant de la centrale nucléaire de Chooz pas si éloignée et qui constituent, comme on peut le voir, de formidables repères pour les pilotes de Matagne-la-Petite. (Photo Jean-Pierre Decock) |
Une bande de copains d’abord
Lorsqu’on flâne un peu du côté des hangars par un beau dimanche ensoleillé, on est vite conquis par l’ambiance club et la bonne entente qui règne sur le terrain. Des quatre commandants d’aérodrome en fonction, à savoir Philippe Collart (également propriétaire des lieux), Steve Cabaraux, Guy Lechien et José Derlet, ce dernier, qui est aussi notre cicérone, souligne avec insistance que l’ulmdrome de Matagne-la-Petite n’abrite aucune firme commerciale ni aucun agent exclusif d’un fabricant d’ULM. L’absence de toute démarche mercantile permet de vivre en bonne intelligence et favorise les rapports amicaux entre la trentaine de pilotes, provenant des quatre coins du pays, fédérés par la passion de voler et de construire ou de travailler sur des ULM de formules, de caractéristiques et de motorisations très variées. Cette grande disparité favorise le discutage du coup et les bons plans ainsi que de croiser les expériences de vol. Depuis 1989/90, époque où le terrain servit de base aux premiers appareils, jusqu’à l’inauguration officielle de l’ulmdrome en 1991, ce climat de sympathique émulation n’a fait que se renforcer.
Club de sportifs avant tout, se respectant et s’estimant mutuellement, il fonctionne sans heurts notoires depuis plus de vingt ans; ce phénomène relativement rare mérite incontestablement d’être salué.
Un parc d’ULM riche et varié
Une vingtaine d’appareils constituent le parc d’ULM opérant sur la plate-forme de Matagne-la-Petite et pratiquement tous les pilotes qui viennent y voler sont également propriétaires de leurs machines. Les formules et les types mêmes des ULM qu’on y trouve sont très diversifiés et on pourrait affirmer qu’en jetant un regard attentif dans et autour des hangars, on peut voir les témoins de toutes les étapes du développement et de l’évolution de l’ULM en Belgique.
La machine au look le plus ancestral, si l’on peut dire, est sans aucun doute le HM 14 Pou du Ciel construit et piloté par Sébastien Niel avant qu’il ne le revende à Eddy De Troyer de Ninove. Ce dernier fut longtemps l’heureux propriétaire et pilote du Tipsy Nipper OO-NIA sauvé in extremis de l’incendie du hangar de l’aérodrome d’Alost où il était remisé démonté en 1983. Cet HM 14 fait de toute évidence le bonheur de son nouvel acquéreur et son excellente facture est tout à l’honneur de son constructeur Sébastien Niel qui a récemment construit un nouvel appareil de sa conception.
Les Dynali Chickinox conçus et construits en Belgique par Jacques Tonet du début des années 80 jusqu’à la fin des années 90 sont également bien représentés à Matagne-la-Petite, que ce soient les biplaces en tandem ou côte à côte (dénommés fort opportunément Kot-kot) ou pour le pilotage en deux autant qu’en trois axes. L’un des Kot-kot (00-923) transformé en trois axes (avec volets d’extrados commandés simultanément pour faire aérofrein) s’en est d’ailleurs donné à cœur joie lors de nombreux poser-décoller et passages bas avec Luc Clarembaux aux commandes.
Passage bas (pour faire plaisir au photographe) effectué par Luc Clarembaux aux commandes de son Dynali Chickinox Kot-kot (OO-923) transformé en trois axes. (Photo Jean-Pierre Decock) |
Les DPM (deltaplanes motorisés), qui constituèrent l’un des vecteurs les plus vigoureux dans l’avènement des ULM à la fin des années 70 et au début des années 80, sont toujours bien présents à Matagne-la-Petite et si quelques uns demeurèrent bâchés dans le hangar, le DPM Air Création Clipper brillant comme un sou neuf et immatriculé 08-FH (département des Ardennes françaises) ainsi que le Microbel (de construction belge) immatriculé OO-926 de Steve Cabaraux ont allègrement profité de ce beau dimanche de fin de saison pour s’envoyer en l’air.
Après avoir roulé moins de cinquante mètres, le DPM Microbel immatriculé OO-926 se cabre pour s’élancer dans l’azur. (Photo Paul Van Caesbroeck) |
Le seul et unique Ikarus Jet Fox JF91S, gréé d’un Rotax deux-temps de 65 CV positionné au centre du bord d’attaque de son aile haute et entraînant une hélice tripale, est la propriété de Jacques Durant qui le pilote avec bonheur depuis seize ans.
Jacques Durant a sorti son Ikarus JF91S (immatriculé 59-TB) et s’est installé dans le cockpit pour effectuer un essai moteur. (Photo Jean-Pierre Decock) |
Il était en outre donné de voir voler le Micro Aviation Pulsar (immatriculé 40-EG dans le département des Landes, sud-ouest de la France), élégant biplace avec moteur propulsif et hélice Arplast tripale piloté par Arne Hanssens ainsi qu’un très aérodynamique Pioneer 200 d’Alpi Aviation immatriculé 08-JZ, le seul visiteur du jour de l’ulmdrome.
Peu avant le poser, le Micro Aviation Pulsar (immatriculé 40-EG) piloté par son propriétaire Arne Hanssens. (Photo Jean-Pierre Decock) |
Pas mal d’activité aérienne donc et quelques belles machines que nous n’avons pu admirer que dans les hangars, telles que l’hélicoptère Mini 500 au profil racé construit par Dimitri Umberto et l’Albatros finement construit en matériaux composites dans les années 90 en France par Aviasud, une entreprise fondée et dirigée par le Belge Bernard d’Otreppe; ce bel appareil appartient à André Mahieu qui apprit à piloter à l’âge de 72 ans et qui continue de le faire dans sa 76ème année! Le Weedhopper et le Rans Coyote, grands classiques parmi les ULM de première génération faits en tubes d’aluminium et de dacron figurent étalement à l’inventaire du parc de Matagne-la-Petite, que ce soit avec train classique ou tricycle. Notre curiosité fut encore titillée par l’American Aircraft Falcon immatriculé OO-611, l’un des vingt exemplaires construits par la SONACA dans la première moitié des années 80 et qui participa au premier tour aérien ULM de Belgique en 1984. Il est, paraît-il, toujours en parfait état de vol et nous nous réjouissons de le voir reprendre l’air un jour prochain.
Le seul visiteur du jour, le très aérodynamique Pioneer 200 d’Alpi Aviation immatriculé 08-JZ dans le département des Ardennes en France. (Photo Paul Van Caesbroeck) |
Matagne-la-Petite est, sans conteste, un endroit séduisant pour les amateurs et fanatiques d’ULM, mais la permission préalable est indispensable pour pouvoir atterrir dans ce petit coin de paradis pour ulmistes.
Vue panoramique sur fond de hangars avec, de gauche à droite, le Zenair 601, le Murphy Renegade Spirit, le Dynali Chickinox Kot-kot et le Micro Aviation Pulsar. (Photo Paul Van Caesbroeck) |
Jean-Pierre Decock
Photos : Paul Van Caesbroeck – Jean-Pierre Decock