Ryanair s’installe à Brussels Airport

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Bruxelles, 5 mars 2014. L’annonce récente de l’arrivée à Brussels Airport de la compagnie Ryanair a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans les milieux aéronautiques et politiques belges. Quatre avions basés et près de 200 vols par semaine vers 9 destinations dès le 27 février 2014! Outre l’impact sur les aéroports concernés (Brussels Airport et Charleroi-Brussels South), cela constitue aussi un changement de cap radical pour la compagnie irlandaise, qui ne restera pas sans effet sur ses concurrents.

Avec 300 Boeing 737-800 de moins de cinq ans d’âge en service et 150 autres en commande, Ryanair est la compagnie européenne qui transporte le plus de passagers (81 millions en 2013). Mais son taux de croissance a diminué, alors que les autres low cost progressent avec un business model apparemment mieux adapté à la clientèle: vols proposés au départ des grands aéroports et services adaptés pour essayer d’attirer la clientèle d’affaires. Au départ de Brussels Airport, EasyJet ajoute Bordeaux, Londres-Gatwick et Naples à ses destinations, et Vueling ajoute sept nouvelles destinations aux quatre existantes et y base un avion, confirmant la croissance de l’offre des low cost.

Les dérives des adversaires; trois Ryanair, un Vueling, trois Brussels Airlines…

L’aéroport de Charleroi est actuellement une des bases les plus importantes de Ryanair, avec 12 avions basés, 81 destinations et un trafic de près de 5 millions de passagers. Répondant aux inquiétudes des gestionnaires de BSCA et des responsables politiques wallons, Ryanair ambitionne à moyen terme 7 millions de passagers au départ de Charleroi, soit une croissance de 2 millions de passagers. Et vient d’annoncer son intention d’y baser un avion de plus à partir de l’horaire d’été. La perte du statut de seule base belge et l’attractivité de Brussels Airport sur une partie de la clientèle risque cependant d’entraîner un ralentissement de la croissance de la compagnie irlandaise sur l’aéroport carolorégien.

La base Ryanair de Charleroi reste une des plus importantes, avec 13 avions basés cet été.

Après avoir « fait le plein » des possibilités d’utilisation des aéroports régionaux moins coûteux et moins encombrés, avec 64 bases et 1.600 routes, Ryanair annonce son intention de modifier son modèle et de se créer de nouveaux marchés en considérant un service adapté non seulement aux passagers à la recherche d’un tarif bas, mais aussi aux hommes d’affaires soucieux de réduire leur budget voyage, mais avec un service plus proche leurs besoins spécifiques. Et ce, pas seulement au départ de la Belgique. Brussels Airport n’est pas la seule nouvelle implantation de Ryanair cette année. La compagnie irlandaise a également inauguré de nouvelles bases à Athènes et Rome-Fiumicino (elle desservait déjà Rome-Ciampino), et s’implante aussi à Lisbonne (65ème base…) début avril, confirmant son intention de se positionner désormais sur les grands aéroports.

Pour Bruxelles, la low cost irlandaise ambitionne 1,5 millions de passagers dès cette année, et à moyen terme 5 millions. Pour y arriver, elle prépare un package nouveau adapté à la clientèle business, qui sera présenté au printemps et lancé pour l’été. Plus chère que les tickets actuels, cette offre sera flexible et permettra de changer les réservations sans frais, proposera des sièges premium réservés, un accès prioritaire et des bagages soutes inclus dans le tarif. Autre changement radical: Ryanair étudie actuellement les offres de plusieurs fournisseurs de services de réservation électronique tels que Galileo ou Amadeus afin de pouvoir être proposé à la clientèle qui réserve par agences de voyage. De nouvelles destinations business orientated sont à l’étude et pourraient être proposées au départ de Brussels Airport dès la saison d’hiver 2014.

Pas moins de 300 Boeing 737-800 sont en service, et 150 autres en commande.

Brussels Airlines se devait de contre-attaquer et a annoncé l’acquisition de deux Airbus A319/A320 complémentaires et l’ouverture de onze nouvelles destinations, avec des tarifs bon marché plus flexible et un meilleur service. Curieusement, la plupart de ces nouvelles escales sont plus touristiques que business. Attaquer de front sur le terrain des low costs avec une structure de prix inévitablement plus lourde est un défi audacieux.

La réputation sulfureuse de Ryanair ne l’empêche pas de s’auto-proclamer « Europe’s favorite airline ». Avec 81 millions de passagers transportés en 2013, elle devance toutes ses concurrentes. Et malgré des temps d’escales très courts, elle affiche la meilleure ponctualité (93% d’arrivée à l’heure pour quelques 1.600 vols par jour/500.000 vols par an). Point de vue sécurité, elle affiche un bilan très positif de 29 ans sans accidents de personnes. Elle dispose de 64 bases en Europe et opère plus de 1.600 routes de et vers 186 aéroports dans 30 pays différents.

Les déclarations souvent fracassantes de son CEO Michael O’Leary dans le passé lui ont valu une très mauvaise presse, souvent justifiée. Jusqu’il y a quelques mois, faire une réservation sur Ryanair relevait de la traversée d’un champs de mine. Le site de la compagnie contenait plein de propositions de services complémentaires payants, allant de l’embarquement prioritaire à la location d’hôtels ou de voiture, mais aussi d’assurances complémentaires, de bagages enregistrés, etc. Une distraction, une erreur et on encaissait un supplément. L’oubli d’imprimer son boarding pass entraînait un supplément de 70 euros, maintenant ramené à 15 euros. Un seul bagage cabine était accepté (et un sac de dame était considéré comme un bagage). Pas de siège réservé d’où embarquement chaotique et pagaille pour placer son bagage dans les overhead bins rapidement encombrés, les bagages soute étant payants. A bord, le passager était constamment aggressé par des annonces proposant à la vente tant des billets de lotterie que des cartes pour téléphone portable, des cigarettes électroniques et des produits hors taxes en plus du catering payant.

Les consignes de sécurité sont affichées sur le dossier des sièges, qui sont non réglables, ces deux éléments contribuant à une diminution du coût.

Changement radical d’attitude depuis quelques mois: le site Ryanair est devenu beaucoup plus convivial et facile à utiliser, avec une réduction du nombre de clicks de 17 à 5 pour effectuer une réservation, et une période de grâce de 24 heures pour modifier celle-ci. le passager a désormais droit à un deuxième bagage cabine de petite taille (35 x 20 x20 cm) en plus du bagage autorisé de maximum 10 kg. Mais avec un bemol: seulement 90 sacs cabine de 55 x 40 x 20 cm peuvent être transportés en cabine, le reste sera transporté gratuitement dans la soute. Le passager peut choisir son siège au moment de la réservation (moyennant supplément) et bénéficier d’un embarquement prioritaire. Tous les autres passagers se voient désormais attribuer un siège, ce qui réduit fortement la cohue des embarquements précédents. L’introduction de quiet flights, des vols sans annonces avant 8 heures du matin et après 9 heures du soir, et une réduction du nombre d’annonces sur les autres vols, ont été bien accueillis par les passagers. Les suppléments bagages ont aussi été réduits.

Comparatif
Hangar Flying a voulu tester le nouveau produit Ryanair sur une destination business au départ de Brussels Airport et a choisi de faire un aller-retour en un jour sur Lisbonne, avec un horaire permettant une réunion de travail sur place et un retour le même jour. Nous avons effectué les comparaisons de prix et la réservation le 21 février, pour un vol le 5 mars.

Swissport assure l’enregistrement à la rangée 14 dans le terminal charter de Brussels Airport.

Ryanair propose un départ de Bruxelles à 06h45, avec une arrivée à Lisbonne à 08h30. Le vol retour quitte le Portugal à 18h05 et arrive dans notre capitale à 21h50. Voyageant avec un attaché case, nous n’avons pas eu besoin de mettre des bagages en soute, ce qui aurait coûté 15 euros par vol pour une valise de 15 kg (25 euros pour 20 kg). Le siège premium (facultatif) est proposé à 10 euros par trajet, la réservation d’un siège normal à 5 euros par trajet. Voyageant seul, nous n’avons pas pris cette option et le coût total de l’opération s’élève à 103,98 euros, plus la surcharge de 2,08 euros pour paiement par carte de crédit, soit un prix final: 106,06 euros

Nous avons consulté le site de Brussels Airlines, mais un seul vol est opéré par la compagnie belge en milieu de journée (départ Bruxelles 11h25 arrivée Lisbonne 13h15 départ Lisbonne 14h00 arrivée Bruxelles 17h45). Le tarif en b.light est de 152,00 euros, plus redevances aéroportuaires (40,98 euros), plus un mystérieux « airline fee » de 70,00 euros, soit un prix total de 262,98 euros.

Brussels Airlines, membre de Star Alliance, peut proposer les vols du matin et du soir de TAP-Air Portugal (départ Bruxelles 06h15 arrivée Lisbonne 08h00 – départ Lisbonne 19h45 arrivée Bruxelles 23h30), mais pas au tarif b.light. En b.flex economy +, qui offre d’avantage de services utiles à un homme d’affaires (possibilité de modifier la réservation ou de remboursement, droit à 23 kg de bagage), le tarif proposé pour la date demandée est de 442,00 euros, plus redevances aéroportuaires (40,98 euros), plus « airline fees » de 86,00 euros, soit un total de 568,98 euros. Auquel se rajoute un supplément de 8,00 euros pour paiement par carte de crédit.

Sur base du coût, l’offre Ryanair est attractive. Sur base des horaires, les deux compagnies offrent des vols permettant une journée de travail à destination, et Brussels Airlines offre avec son partenaire le choix entre trois vols journaliers au lieu de deux chez son concurrent. Et si sur Lisbonne, la compagnie belge n’opère pas en propre les vols du matin et du soir, et donc l’accès aux tarifs plus favorables du b.light, il faut rappeler qu’elle a cette possibilités sur un plus grand nombre d’autres destinations « affaires » que son concurrent. Et elle utilise le Terminal 1 à Lisbonne, mieux équipé que le T2 dédié aux low costs.

L’embarquement à Lisbonne se fait au départ du Terminal 2, dédié aux low costs.

Le jour du vol, mercredi 5 mars, nous découvrons le comptoir d’accueil Ryanair dans la rangée 14 du terminal des compagnies charter. Peu de monde car peu de gens enregistrent leurs bagages en soute, vu la politique de Ryanair de les faire payer. Et pour éviter la surcharge de l’enregistrement à l’aéroport (ramenée de 70 à 15 euros par trajet), chacun a pré-imprimer son boarding pass. Un message de rappel en ce sens est d’ailleurs envoyé trois jours avant le vol. L’embarquement se fait à la porte A33, dans la partie Topaze du Pier A, et il n’y a qu’un étage à monter après la sécurité, mais les avions ne sont pas en contact gate.

La double file classique séparant les priority boarding des other Q se fait avant de pénétrer dans la salle d’attente de la porte d’embarquement. C’est Swissport qui assure à la fois le check-in et le ramp handling. Les avions Ryanair sont tous dotés d’un escalier escamotable à l’avant, et font usage d’une passerelle à l’arrière pour accélérer l’embarquement. Celui-ci s’effectue sans bousculade et le départ se fait à l’heure prévue.

La double file classique et incontournable, séparant les prioritaires des autres passagers, à la porte 33 du Topaze dans le Pier A.

Il y a 189 sièges disponibles, et le vol s’effectue avec 158 passagers. Le personnel de bord, en cette période de début d’exploitation sur une nouvelle base avant l’introduction des horaires d’été (fin mars), est composé en partie de personnel belge, en partie d’équipages prêtés par d’autres bases. Le personnel de cabine est souriant et efficace. La durée de vol prévue est de 2h50, mais nous arrivons à Lisbonne avec 15 minutes d’avance. L’avion est garé devant le Terminal 2 dédié aux low costs, mais les passagers sont conduits en bus vers le Terminal 1 et déposés à l’extrémité opposée à la sortie et à la salle des bagages, les obligeant à un long trajet au travers des galeries commerçantes de l’aéroport. Cela crée un peu de confusion pour les non-habitués de l’aéroport pour le vol retour. Il faut en effet prendre un shuttle bus gratuit du T1 vers le T2 où s’effectuent le check-in, les contrôles sécurité et l’embarquement.

Et les installations du T2 sont assez sommaires comparées au T1. Le vol retour est complet et part avec 10 minutes de retard. L’arrivée à Brussels Airport s’effectue avec 10 minutes de retard par rapport à l’horaire annoncé. Débarquement à l’extrémité ouest du Pier A, heureusement il ne pleut pas et le temps est clément, car il faut marcher de l’avion à la gate d’arrivée. Peu ou pas de « vestons cravate » dans les deux vols, et l’impression que beaucoup de passagers étaient déjà familiarisé avec le modèle low cost. Mais des avions d’ores et déjà bien rempli.

Après avoir débarqué ses passagers, le Boeing 737-800 désormais basé à Brussels Airport entame son night stop à l’extrémité ouest du Pier A. Le handling est assuré par Swissport.

L’avenir nous dira si la forte augmentation de l’offre en sièges et la croissance des low costs à Brussels Airport permettra une augmentation sensible du trafic en attirant une nouvelle clientèle. Et aussi dans quelle proportion une partie de la clientèle de Charleroi préférera partir de Bruxelles. La concurrence effrenée entre compagnies aériennes ne se fera pas sans conséquences économiques sur leurs résultats. Le bénéficiaire sera en tout cas le passager, qui bénéficie d’une offre accrue de choix d’horaires, de destinations et de prix compétitifs.

Texte et photos: Guy Viselé

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Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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