Temploux, le 20 septembre 2019. En ce jour encore ensoleillé de toute fin d’été, la SONACA Aircraft inaugure, en présence de nombreux invités, le nouveau hall d’assemblage de son biplace d’entrainement Sonaca 200. Pour la première fois cinq appareils se sont réunis pour faire un vol en formation et présentation aux mondes politique, économique et aux amateurs de beaux avions C’est aussi l’occasion de faire le point sur ce projet ambitieux dont nous vous avons déjà plusieurs fois parlé.
Un nouvel hall d’assemblage
Le choix de la Sonaca Aircraft d’implanter son hall d’assemblage à l’Aérodrome de Namur repose sur plusieurs critères : la proximité avec la maison-mère Sonaca Group (actionnaire principal) à l’aéroport de Charleroi (EBCI est aussi un point d’arrivée facile pour d’éventuels clients), l’espace disponible qui fait défaut à EBCI et pouvoir disposer d’une infrastructure adéquate. L’aérodrome de Temploux -Suarlée est en pleine renaissance après son rachat par Olivier de Spoelberg. C’est une opportunité que relèvent les nouveaux dirigeants de l’Aérodrome de Namur avec la construction d’une piste en dur permettant de décoller et tester les avions durant toute l’année et la construction d’un nouveau bâtiment taillé sur mesure pour l’avionneur.
Sa construction entamée en novembre 2018, le nouveau hall d’assemblage (dont Sonaca Aircraft est locataire) est entré en service au début juin 2019 mais officiellement inauguré fin septembre. L’infrastructure comprend un hall d’assemblage de 2000m², des bureaux et un show-room.
Depuis le début des activités de la Sonaca Aircraft à Temploux en début 2018, l’assemblage des premiers Sonaca 200 avait lieu temporairement et à l’étroit dans un des petits hangars bleus familiers des utilisateurs de l’aérodrome. La mise en service du hall marque un tournant important et décisif dans le développement futur des activités car il permet l’assemblage simultané de 8 appareils, sur deux lignes d’assemblage, soit une soixantaine d’avions par an, voire quatre-vingt en cas de pics d’activité. De quoi répondre à une demande qui se manifeste de plus en plus. La production est déjà sécurisée pour les douze prochains mois comme se plait à le souligner Pierre Van Wetter, pilote et Chief Commercial Officer, qui se dépense sans compter avec son équipe pour promouvoir l’avion en parcourant les cieux européens.
De belles perspectives internationales
Nous avons déjà présenté plusieurs fois le Sonaca 200 et renvoyons le lecteur aux différents articles parus sur Hangar Flying traitant du sujet. Rappelons que le Sonaca 200 vise le créneau des écoles de pilotage et d’aéroclubs à la recherche d’avions biplaces performants et fiables pour compléter voire remplacer une flotte d’avions vieillissants et qui ont peu évolué. Le carnet de commande compte déjà une soixantaine d’appareils dont une vingtaine auront été livrés fin de cette année. Bien que les premiers clients soient belges avec New CAG et BFS, deux écoles de pilotage implantées à Charleroi, l’essentiel des ventes se situe à l’international en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Estonie et en Turquie ou AYJET (l’école d’aviation formant notamment les pilotes de Turkish Airlines) a commandé initialement 6 avions et renouvelé sa confiance par une commande supplémentaire de 12 appareils.
Certifié EASA dans la catégorie de navigabilité CS-VLA (Certification Spécification – Very Light Aircraft), l’avion est accessible à tous les marchés hors Europe qui reconnaissent cette importante certification. Lors de la conférence de presse on remarquait la présence d’un journaliste canadien ayant fait le déplacement, ce qui traduit un intérêt certain outre-Atlantique mais les efforts se concentrent actuellement sur le vieux continent. Les marchés militaires ne sont pas à négliger non plus et durant l’été la société a mis à disposition des Cadets de l’Air le Sonaca 200 Trainer Pro OO-NEW afin de permettre une familiarisation des cadets aux vols de navigation. Sonaca Aircraft ne cache pas que l’avion pourrait être un bon candidat pour la sélection préalable de base des candidats élèves-pilotes, ce que dans le jargon militaire on appelle le « screening ». Rappelons que la formation de nos élèves-pilotes a maintenant lieu aux USA, que le F-35 rentrera en service dans quelques années et que le SF-260 Marchetti qui fête son 50ème anniversaire de service ne sera pas éternel. La réflexion ne s’arrête pas à notre seule Force Aérienne, la plupart des armées appliquant le même processus de sélection rigoureuse préalable des candidats avant d’entamer la très couteuse formation spécifiquement de pilote.
Un concept bien étudié
Dès le début de l’aventure en 2014, l’équipe de Sonaca Aircraft s’est voulue à l’écoute des clients potentiels non seulement sur les particularités de vol recherchées pour un avion d’écolage et ses déclinaisons possibles mais également sur tout ce qui l’entoure depuis la maintenance jusqu’aux modes de financement.
Ainsi les qualités de vol sont déjà appréciées des premiers utilisateurs dont le feed-back met en avant la robustesse, la stabilité en vol, l’autonomie et le confort. Cela sans compter sur le faible niveau sonore, la consommation du moteur Rotax et les possibles configurations d’équipement qui se déclinent déjà en deux propositions, le Sonaca 200 Trainer équipé d’instruments classiques analogiques, et le Sonaca 200 Trainer Pro équipé d’un « glass cockpit » avec une suite Garmin 500. La société travaille également à la certification d’une version pour le vol aux instruments (Instruments Flying Rules – IFR) et une version « Upset Prevention and Recovery Training – UPRT », à savoir l’entrainement des futurs pilotes de ligne à la récupération de l’appareil dans des situations critiques comme le décrochage ou la vrille. Cet entrainement est devenu impératif à la suite du crash du vol AF447 en 2009 qui mis en évidence le manque de préparation des équipages à reconnaitre et maitriser ce genre de situation. En ces temps où les énergies fossiles sont de plus en plus contestées, la Sonaca Aircraft étudie bien entendu la possibilité de développer une version tout électrique. L’état de la technologie ne permet pas actuellement d’équiper un prototype uniquement de batteries pour des questions de poids mais comme le souligne Pierre Van Wetter c’est une affaire de quelques années (5 à 10 ans) et la Sonaca entend être prête.
Les utilisateurs disposent également d’un accès à une plateforme « E-maintenance ». Celle-ci donne la possibilité à l’utilisateur de trouver en ligne tous les renseignements nécessaires à la maintenance de l’avion depuis les notices techniques jusqu’aux composants. La Sonaca Aircraft développe également un réseau d’ateliers agrées (CAMO) en partenariat. Déjà opérationnel en Belgique, Pays-Bas et Grande-Bretagne, il est amené à s’étendre.
Le prix d’un Sonaca 200 va de 182.500€ htva pour la version analogique à 213.500€ htva pour la version Pro. Cela représente un investissement important pour les écoles ou aéro-clubs. Comme il est de notoriété publique que les banquiers ont une aversion pour le risque d’autant plus qu’il s’agit d’aviation ou d’associations sans but lucratif comme les aéro-clubs, le constructeur développe des solution de renting ou de leasing. Ce sont des formules de financement déjà fort utilisées dans le secteur automobile qui permettent aux écoles ou aéro-clubs d’éviter de devoir financer l’achat, gérer la revente et renouveler le parc régulièrement ou encore d’adapter la capacité à la demande sans devoir investir dans de nouveaux appareils.
L’esprit d’entreprise, le succès au rendez-vous
C’est en 2014 que trois ingénieurs du service d’études de la Sonaca, Sophie Lancereau, Carl Mengdehl et Pierre Van Wetter, lancent l’idée de développer un avion d’aviation générale. Mis au courant, l’administrateur-délégué, Bernard Delvaux, supporte l’initiative et donne son accord pour réaliser une étude de marché et des possibilités de développement. Adossée à la Sonaca, groupe de réputation internationale, la SRIW et The Airplane Factory (société conceptrice sud-africaine du Sling2 à partir duquel sera développé le Sonaca 200) la Sonaca Aircraft nait. Essai marqué dirait-on en rugby.
C’était le début d’une passionnante aventure : après cinq années d’efforts Sonaca Aircraft a vu le jour, s’est durablement implantée, a créé de l’emploi (35 ETP à fin septembre, effectif amené à évoluer à la hausse) et les petits avions argentés ont du succès et se voient de plus en plus. L’inauguration du nouveau hall d’assemblage était l’occasion de rappeler tout cela. Mais si l’essai est transformé, les challenges des mois et années à venir restent nombreux : augmenter la cadence de production, développer les ventes et le service après-vente en restant comme depuis le départ à l’écoute du client. Mais savourons le succès de l’équipe menée par le CEO Harold Van der Straeten et Pierre Van Wetter, CCO. Après tout, c’est le premier avion développé et assemblé en Belgique depuis le Tipsy Nipper il y plus de 50 ans . Bravo à l’équipe !
Bob Verhegghen