Veckerhagen (RFA) , le 22 octobre 1965. A 1 heure 28 du matin, heure GMT, il fait une nuit noire quand la forêt surplombant le tranquille village de Veckerhagen en Hesse, pas loin du « rideau de fer », s’illumine des lueurs d’un incendie et qu’un grondement sourd se fait entendre dans la vallée. L’avion, un Fairchild C-119G « Flying Boxcar » militaire belge, le CP-19, en mission de parachutage de nuit, vient de percuter le sommet d’une colline entrainant dans la mort ses huit occupants, 5 membres d’équipage de la 40ème escadrille du 15ème Wing de de Transport et Communications basé à Melsbroek et 3 para-commandos du 181ème Peloton QM Rav Air de Schaffen.
Mission de routine
L’émotion est grande en Belgique dans les jours qui suivent le drame, d’autant plus que deux ans auparavant, le 26 juin 1963, un autre C-119G, le CP-45,en approche sur la base de RAF Gütersloh s’écrasait dans la même région d’Allemagne à Schlangen, entre Detmold et Paderborn, abattu accidentellement par un tir de mortier britannique et faisant 38 victimes , équipage et para-commandos.
Mais le temps fait son œuvre et, comme souvent, l’accident de Veckerhagen est tombé dans l’oubli du grand public. A tel point qu’il aura fallu attendre le 25 septembre 2018, soit 53 ans après la tragédie avant qu’un premier hommage officiel ne soit rendu dans la forêt à proximité du lieu de l’accident.
Que s’est-il passé en cette nuit calme au cours d’une mission qualifiée de « routine », pourquoi cette mission dans une zone vallonée à basse altitude par une nuit sans lune a-t-elle eu lieu , qu’a donné l’enquête qui a suivi la tragédie quelles en ont été les responsabilités et conséquences ? Toutes des choses dont on entend rarement parler une fois l’émotion passée. C’est ce que Dominique Mommer a voulu savoir et nous faire découvrir dans son livre « Veckerhagen, mission de routine». Il est le neveu du Capitaine Aviateur Luc Mommer de la 40ème escadrille du 15ème Wing, commandant de bord du CP-19 impliqué dans l’accident. Comme le souligne l’auteur, le récit se veut le plus objectif possible après un travail de recherche de plus de trois années tous azimuts avec recoupements des informations et témoignages de militaires et de civils.
Un avion n’est pas rentré
Le 21 octobre 1965, le Capitaine Aviateur Luc Mommer, juste de retour de congés, est désigné pour une mission de parachutage de nuit dans la région de Veckerhagen. Il sera accompagné d’un deuxième C-119G, le CP-18, piloté par l’Adjudant Aviateur Michel Géruzet. La mission s’inscrit dans le cadre des manœuvres de l’ OTAN « Horse Shoe » et consiste, à la demande de la Force Terrestre, dans un parachutage de charges lourdes , à savoir des palettes de jerrycans d’essence et du ravitaillement, à une unité de blindés supposée bloquée dans le scénario de la manœuvre. Les deux C-119G sont à pleine charge. Le largage doit avoir lieu de nuit dans la vallée de la Weser tout près du rideau de fer sur une « dropping zone » (DZ) ayant fait l’objet d ‘une reconnaissance par une équipe de paras. La zone est entourée de hautes collines boisées. Un des deux avions ne rentrera pas de cette mission cataloguée « de routine » par le commandement.
Pourtant quelque chose à mal tourné. L’auteur Dominique Mommer a effectué un travail de recherche en profondeur et a reconstitué dans tous ses détails la chronologie de cette mission, son contexte. L’analyse de l’accident et de l’enquête qui s’en est suivit ne sont pas non plus oubliées. Les mesures disciplinaires et conséquences juridiques qui en ont découlé interpelleront sans doute plus d’un lecteur. Une lecture fort intéressante dans ses détails qui nous replonge dans le passé ou ce genre de missions périlleuses avait lieu bien souvent. « La mission de Veckerhagen n’était pas sans risque, d’autant que la cible ou l’objectif se trouvait dans une vallée assez profonde » comme le souligne le Général-major Aviateur e.r Wilfried De Brouwer, ancien chef de corps du 15ème Wing.
Le devoir de mémoire
Le devoir de mémoire est important et l’auteur consacre une partie importante de son ouvrage (39 pages) à celui-ci (commémorations, stèles, etc. …) avant d’en arriver au cœur même du récit. Nous aurions trouvé plus judicieux de mettre ce chapitre en fin de livre. Hormis cette remarque de forme qui ne nuit en rien à l’intérêt que trouvera le lecteur dans ce récit , le livre est un témoignage des opérations peu connues mais courantes durant la guerre froide et un bel hommage à des hommes risquant leur vie pour notre liberté.
A titre personnel, ce livre m’a ramené en juillet 1968, quand en tant que Cadet de l’ Air lors d’un stage à la 40ème escadrille, j’ai pu accompagner plusieurs largages de nuit en RFA lors de manœuvres. En relisant la chronologie du vol fatidique du 22 octobre 1965, j’y ai retrouvé l’ambiance particulière de ces vols de nuit passionnants toujours très présents dans mes souvenirs.
Déjà disponible en français, le livre est édité à compte d’auteur et fera l’objet d’une parution en néerlandais d’ici début 2022. En format A4, il est composé de 180 pages avec illustrations couleurs, cartes, et est disponible au prix particulier de 20€ + 4.50€ frais d’envoi (en Belgique) en contactant l’auteur (dmo@dhrprojects.be)
Database Hangar Flying: www.hangarflying.eu/erfgoedsites/herdenkingskruis-voor-bemanning-fairchild-c-119g-flying-boxcar-cp-19/