Le C.A.C. Souffle ses 50 bougies

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Cerfontaine, le 15 août 2009. On y volait beaucoup  en ce radieux jour de l’Assomption, et c’étaient « des grandes plumes » ! Le nouvel aérodrome implanté dans les splendides paysages de la Fagne d’Entre-Sambre-et-Meuse est la plate-forme aérienne la plus récente du royaume, car inaugurée en 2007. Une piste particulière y est réservée aux planeurs en parallèle à celle des avions et ULM et le lieu était fort animé, car le Centre Aéronautique Carolorégien fêtait ses cinquante ans d’existence. Le glissement silencieux des grandes ailes des planeurs et le bourdonnement des avions remorqueurs reflétaient une joyeuse activité orchestrée par Marius Cohard, président du C.A.C. et directeur de piste dont la gestion « en bon père de famille » est réputée dans le milieu vélivole belge.

Montage du Slingsby T-45 Swallow, en l’occurrence l’emboîtage du longeron principal d’aile qui est la structure maîtresse du planeur. Les planeurs sont démontables pour en faciliter le transport par la route vers les aérodromes après s’être posés en campagne.

Le C.A.C. déploie ses ailes
Le Centre Aéronautique Carolorégien est un club entièrement dévolu au vol à voile dont la fondation remonte au 15 décembre 1959 – il y a donc cinquante ans – à l’aérodrome de Gosselies situé au nord de Charleroi. Son parc consistait en deux Schleicher Ka4 Rhönlerche II, le planeur biplace école du milieu des années 50 le mieux adapté à ce rôle et dont les qualités sont encore largement reconnues de nos jours dans les clubs belges mais aussi en Allemagne, berceau du vol à voile. L’un d’eux, immatriculé OO-ZPZ, fut détruit à Gosselies et radié le 29 décembre 1964. Le club acquit encore deux Schleicher Ka6CR Rhönsegler immatriculés OO-ZYW et ZYV début 1966, ce dernier volant encore de nos jours à Cerfontaine. Les vols de planeurs se faisaient à Gosselies depuis la piste 07-25 en gazon longue de 500 mètres et courant parallèlement à la longue piste en dur.

Briefing du matin dans un esprit club détendu mais néanmoins sérieux.

Le développement, au milieu des années 70, de l’aéroport de Gosselies résultant des usines de construction aéronautique (SABCA et Fairey, devenue SONACA en 1979) qui y étaient implantées ainsi que des vols intensifs d’entraînement de Boeing 737 de la SABENA et les vols charter en période de vacances furent les raisons qui amenèrent le C.A.C. à déserter sa base carolorégienne. Le club déménagea en 1976 pour le tout nouvel aérodrome de Froidchapelle situé au cœur de la toute nouvelle zone récréative des barrages de l’Eau d’Heure. Les nouvelles infrastructures, beaucoup plus accueillantes, et les meilleures conditions de sécurité des vols de Cerfontaine (EBCF) incitèrent le CAC à quitter définitivement Froidchapelle dès l’inauguration du nouvel aérodrome wallon en 2007.

Marius Cohard, président et pilier depuis toujours du Centre Aéronautique Carolorégien, était le directeur de piste durant le week-end de l’Assomption et exerça ses fonctions avec beaucoup d’autorité mais aussi de bonhomie.
Ce superbe Slingsby T-45 Swallow, l’un des 116 exemplaires construits, sortit d’usine le 27 décembre 1966; il appartient à présent à l’un des membres du C.A.C.

Le club dispose actuellement de cinq planeurs et de deux Piper Super Cub pour le remorquage, auxquels s’ajoutent une dizaine de machines appartenant à des membres et dont certaines sont d’authentiques vétérans. Ces planeurs sont traités comme les perles rares qu’ils sont d’ailleurs devenus. C’est le cas, notamment, du Schleicher Ka2B Rhönschwalbe OO-SZD aux couleurs de la SABENA qui l’avait offert en 1956 au Club National d’Aviation ou encore de le Slingsby T-45 Swallow écarlate, un planeur  britannique de semi-performances construit en 1966 ainsi que du très fin Schleicher Ka6CR Rhönsegler OO-ZYV volant au sein du club depuis plus de quarante ans !

Superbement restauré, le Schleicher Ka2B Rhönschwalbe OO-SZD fut offert par la SABENA en 1956 au Club National d’Aviation. Les ailes en flèche inversée qui font sa particularité sont bien mises en évidence dans cette vue. Bien entretenu et bichonné, ce plus que quinquagénaire effectua de très nombreux vols durant le week-end de l’Assomption.

Toutes ces machines racées d’antan sont mises en œuvre pratiquement toutes les fins de semaines durant la saison vélivole (avril à octobre) et leur vol gracieux peut être admiré à Cerfontaine du lever au coucher du soleil.

Le Piper Super Cub OO-VVD, l’un des deux vaillants remorqueurs, fut acquis par le Centre National de Vol à Voile en 1965 qui le mit à la disposition du C.A.C. qui l’utilise depuis sans interruption, sauf pour les nécessaires périodes de maintenance.

Comme au bon vieux temps
Pour son 50ème anniversaire, le Centre Aéronautique Carolorégien avait sorti ses beaux bijoux anciens mais avait aussi invité Firmin Henrard, le fondateur et animateur des « Faucheurs de Marguerites », une association ayant ses quartiers à Hamois-Mohiville près de Ciney et qui récupère, restaure et maintient les vieux planeurs en état de vol. Firmin Henrard avait amené deux appareils très rares et inusités en Belgique, à savoir le Slingsby T.31B Kirby Cadet TX.MK.3 (OO-ZXN), un genre de Grunau biplace en tandem à cockpit ouvert et à aile haute haubanée qui fut utilisé pendant des décennies pour initier les cadets de l’air  britanniques aux joies du vol à voile (il était immatriculé XN240 à la Royal Air Force). Cette étrange machine planante effectua de nombreux vols le samedi à  Cerfontaine.

Firmin Henrard, propriétaire du T.31B Kirby Cadet TX.MK.3 de l’association « Les Faucheurs de Marguerites » est incontestablement un vélivole heureux !
Aérofreins sortis, en très courte finale juste avant l’arrondi, le T.31B qui fit autrefois les beaux jours des cadets de la Royal Air Force en tant que XN240.

Le superbe SNCAN/Nord 2000 (OO-ZHQ) de Firmin Henrard, en réalité un DFS Meise (mésange) construit en France dans l’immédiat après-guerre, côtoyait le Meise (OO-ZLP) fabriqué en Allemagne dans les années 50 et appartenant à son voisin, le Baron Roland d’Huart. Outre les qualités aérodynamiques et esthétiques des fins planeurs, le DFS Meise a une histoire peu banale. Les Allemands, qui développèrent considérablement le vol sans moteur dans les années 20 et 30, firent admettre le vol à voile comme sport olympique lors des jeux de Berlin en 1936. Le comité olympique lança un concours international dont les épreuves de sélection eurent lieu en Italie en février 1939; cinq planeurs italiens, polonais et allemands y participaient et ce fut le DFS Meise qui l’emporta haut la main et fut, dès lors, baptisé « Olympia ». Les premiers jeux olympiques intégrant le vol à voile devaient se dérouler durant l’été de 1940… mais la deuxième guerre mondiale déclenchée en septembre 1939 les voua aux gémonies.

Le Schleicher ASK13 OO-YFR, ex-PL67 des cadets de l’air de belges, entame son décollage remorqué par le Cub OO-LFM. Le train d’atterrissage des planeurs est habituellement monotrace afin de gagner du poids et d’en accroître la finesse (par rapport à un train classique) et, pour cette raison, l’un des bouts d’aile repose toujours sur le sol lorsque le planeur n’est pas actif. L’absence de vitesse et de portance lors de la phase initiale du décollage requiert l’aide d’un collègue qui tient « la plume » en courant, jusqu’à ce que l’appareil ait une sustentation suffisante.

N’empêche que les qualités de ce planeur olympique justifièrent la reprise de sa construction dans l’immédiat après-guerre par des industriels tels que la Société Nationale de Constructions Aéronautique du Nord (SNCAN) française (en tant que Nord 2000), mais aussi par EON en Angleterre en tant qu’Olympia ou Zlin LG 25 Sohaj en Tchécoslovaquie ainsi que par de nombreux ateliers et clubs. La construction aéronautique et la pratique de l’aviation étaient en effet totalement interdites en Allemagne par les conditions d’armistice imposées par les Alliés; celles-ci ne furent levées qu’en 1951 pour le vol à voile… La présence de deux Meise Olympia à Cerfontaine est donc pour le moins fabuleuse !

Fin de course d’atterrissage du Meise Olympia OO-ZLP piloté par Roland d’Huart ; le pilote appuie bien le patin devant l’unique roue sur le sol afin de freiner le planeur, tandis que les aérofreins, qui « cassent » le profil d’aile et réduisent la vitesse, sont toujours sortis sur l’extrados.

Les 50 bougies du Centre Aéronautique Carolorégien furent donc dignement soufflées les 14, 15 et 16 août par de très nombreux vols de planeurs dans une ambiance, disons-le haut et fort, franchement club ! Si le temps était radieux durant tout le week-end, la météo fut particulièrement favorable aux vélivoles le vendredi car « ça maquait dur » et il y avait des « pompes » permettant plusieurs vols de longue durée, ce qui ne fut pas le cas le samedi, mais un ciel bleu inondé de soleil permit, malgré tout, à de nombreux profanes de goûter au vol sans moteur et tous s’en retournèrent ravis de l’expérience du vol en silence, à l’instar des oiseaux…

Le Slingsby T.31B Kirby Cadet est ramené à la force des bras vers le départ de piste pour un nouveau vol, la preuve que le vol à voile est manifestement un sport d’équipe !

Jean-Pierre Decock
Photos: Paul Van Caesbroeck

Le C.A.C. effectue des vols d’initiation en planeur (le novice est assis dans le cockpit avant et non à l’arrière, comme lors des baptêmes) pour la modique somme de 50€ : une belle expérience de vol à prix démocratique : c’est ça l’esprit club !
Plus de renseignements sur www.planeurs.be/planeurs.be/home.htm

 

Picture of Jean-Pierre Decock

Jean-Pierre Decock

Brevet B de vol à voile en 1958. Pilote privé avion en 1970. Totalise 600 heures de vol dont 70 d’acro. Un œil droit insuffisant empêche toute carrière dans l’aviation. (Co-)Auteur et traducteur de 41 ouvrages d’aviation publiés en 4 langues depuis 1978. Compétences: histoire, technique et pilotage (aviation civile, militaire ou sportive).

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