Snecma Services Brussels: 65 ans d’expérience et un avenir prometteur

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Zaventem, 23 janvier 2012. Un nouveau sigle est apparu il y a quelques mois sur la façade du bâtiment H24 dans l’ancien complexe technique de la Sabena: SAFRAN. Issue de la division entretien moteur de l’ex-compagnie aérienne nationale belge, Snecma Services Brussels (SSB) est une filiale à 100% du groupe français SNECMA, dont l’activité principale est le développement et le support de moteurs d’avions civils et militaires. SNECMA fait partie  du groupe français SAFRAN. De par son chiffre d’affaires de 60 millions d’euros par an réalisé totalement à l’exportation et avec 250 personnes actives, Snecma Services Brussels (SSB) est et reste un pôle économique et social important dans le monde de l’aviation civile belge. Hangar Flying vous en raconte l’historique et ses développements récents.

Le bâtiment H24 de Brussels Airport affiche fièrement l’appartenance de Snecma Services Brussels (SSB) au groupe SAFRAN.

L’histoire commence en 1947 lorsque la Régie des Voies Aériennes construit le hangar 24 (devenu 24A), destiné à la révision des moteurs Pratt & Whitney équipant les DC-3 et DC-4 de l’époque par le département technique de la Sabena, puis plus tard aussi les DC-6 et Convair 440. Sabena Technics a toujours beaucoup travaillé pour tiers, y compris dans le domaine des moteurs et cette activité s’est développée considérablement jusqu’au début des années soixante.

Les révisions des moteurs à piston Pratt & Whitney équipant notamment les DC-3 de la Sabena constituaient l’activité principale de l’atelier moteur jusqu’au début des années soixante.

L’atelier moteurs a connu plusieurs évolutions importantes. La révolution qu’a constitué l’arrivée des premiers avions à réaction civils au tout début des sixties a marqué un tournant pour les entreprises spécialisées dans la révision moteur. Il a fallu non seulement s’adapter à une technologie totalement différente, mais aussi modifier l’outillage et l’environnement industriel: le moteur à piston entrait à l’atelier à l’horizontale et après vidange de son huile était mis en vertical sur un lit. En outre, au niveau de la charge de travail, la donne était complètement changée. On passait d’une durée de vie relativement courte entre révision (environ 800 heures) pour les moteurs à piston à des potentiels s’exprimant en milliers d’heures pour les réacteurs, avec pour conséquence une diminution du rythme de passage en atelier, donc de la charge de travail. L’allongement drastique de l’utilisation entre révisions générales était plus qu’intéressant économiquement pour les exploitants, mais catastrophique pour les firmes spécialisées en entretien moteur.

Sabena Technics s’adapte et se spécialise dans les années septante en Pratt & Whitney JT-8, moteur qui équipe les Boeing 727, 737-200, DC-9 et Super Caravelle. La qualité du travail en fait un atelier de référence et attire de nombreux clients tiers.

L’atelier moteur du hangar 24 au début des années quatre-vingt.

L’arrivée dans les années quatre-vingt des moteurs à large fan (high by-pass ratio engines) marque un tournant important pour l’atelier moteurs Sabena. Le type de moteurs réparés était guidé par le choix des moteurs installés sur la flotte de la Sabena et par l’évolution industrielle au niveau des grands constructeurs de moteurs. La sélection de la motorisation lors de commandes d’avions par les compagnies aériennes disposant d’un atelier moteur a des conséquences directes sur les licences accordées. Et la concurrence est acharnée entre les trois « grands » constructeurs de moteurs, General Electric, Pratt & Whitney et Rolls-Royce.

Pratt & Whitney jouissait d’une position dominante pour la motorisation des Boeing 737-200 et 727-100 et 200. Lorsque General Electric et SNECMA décident fin 1971 de créer en parténariat un tout nouveau turbofan de 10 tonnes de poussée, le CFM-56, le démarrage est d’abord très lent, et c’est à partir de 1979 par le biais de la remotorisation des DC-8-60 modifiés en -70, puis des avions-ravitailleurs Boeing KC-135 de l’US Air Force que ce moteur connaît ses premiers succès. Lorsque Boeing décide en 1983 de présenter des versions remotorisées du biréacteur 737 avec le CFM-56-3, qu’on appelle désormais le 737 Classic (versions -300, -400 et -500), c’est le début d’une success story qui continue avec l’adoption d’un autre modèle de CFM-56, le -5, sur les Airbus monocouloirs (A319, 320 et 321). Et même si Airbus propose un choix de motorisation, cette concurrence crée l’émulation et le développement constant de nouvelles versions plus performantes. L’atelier moteur Sabena, jusqu’alors centré sur les Pratt & Whitney, développe alors sa compétence en CFM-56-3, la version dont sont équipé les Boeing 737 Classics de la compagnie nationale. C’est le début d’une longue association avec SNECMA.

Le moteur SNECMA CFM-56-3, spécialité de l’atelier Snecma Services Brussels (SSB).

L’achat en 1984 de l’Airbus A310 par la Sabena aura aussi un impact sur les activités de son département technique. Le choix du propulseur permettait d’obtenir la licence pour l’entretien des moteurs, dans ce cas-ci les Pratt & Whitney JT9D-7R4E1 et D1. Le hangar 24bis est construit en 1984 avec l’aide de P & W. A la fin des années 80, Sabena Technics travaille dès lors sur trois types de moteurs (deux P & W -les JT-8 et JT-9- et le SNECMA CFM-56-3) de la flotte Sabena, mais aussi et à plus de 80% pour des clients tiers.

La structure de la Sabena va aussi connaître pendant ces années là de profonds changements. Le Ministre des Communications de l’époque, Herman De Croo, prône la « filialisation » de certaines activités spécialisées de la Sabena. On assiste dans un premier temps à la création de business units, responsables de leurs budgets, puis de filiales juridiquement séparées. Fin 1987, Sabena Technics devient une société distincte, bien que détenue à 100% par la maison-mère.

L’arrivée de Pierre Godfroid à la direction de la compagnie en 1990 amène un changement radical de la structure de l’entreprise. En 1992 Air France rentre dans l’actionnariat de la Sabena et l’activité moteur est l’un des sujets des discussions de prises de participation. L’atelier moteur reçoit en charge de travail les JT-8 d’Air France, ce qui permet de garantir un niveau d’activité important.

Après le retrait d’Air France, Swissair prend le contrôle en 1995. Disposant de deux ateliers de révision moteurs, l’un à Zurich et l’autre à Bruxelles, le groupe Swissair discutait de la possibilité de ramener toute l’activité à un seul centre, Zurich évidemment…La compagnie helvétique a une flotte équipée de nombreux JT-9D-7R4 (Airbus A310 et Boeing 747) et décide de transférer les réparations de ce type de moteur en Suisse… La commande de 34 Airbus pour la Sabena n’arrange pas les choses pour l’atelier moteur de Bruxelles: ils seront équipés d’une autre version du CFM-56, le -5B que Swissair-Zurich entretient déjà… Avec le phase-out des JT-8 et JT-9, Sabena Technics ne peut proposer ses services de révision moteurs que pour le seul CFM-56-3 (qui équipe les Boeing 737 Classics), risquant à terme une réduction d’activités potentiellement dangereuse pour l’avenir de son atelier moteurs.

La chaîne CFM-56.

Le groupe SNECMA avait créé en France une filiale, SNECMA Services, avec pour objectif d’en faire un pôle d’excellence pour la maintenance des moteurs CFM-56, et cherchait à saisir des opportunités dans le monde des MRO (Maintenance Repair & Overhaul) hors France pour augmenter sa présence internationale sur un marché mondial. La direction de Sabena Technics de l’époque (Peter Deswerdt) a des contacts avec SNECMA (Pierre Cognet) qui souhaitait créer des joint ventures (JV) avec des ateliers moteurs de compagnies aériennes. Et en 1999, on assiste à la naissance de SNECMA-Sabena Engine Services (SSES), avec une parité 50/50 au niveau du capital entre SNECMA et Sabena. C’est un tournant essentiel pour l’atelier moteurs de Bruxelles, et c’est ce qui lui permettra de survivre après la faillite de la compagnie nationale en novembre 2001.

La curatelle de la Sabena vend les 50% de parts belges à SNECMA en avril 2002. Désormais propriété à 100% de SNECMA, la filiale belge est rebaptisée SSB pour Snecma Services Brussels. Elle se concentre sur les réparations des CFM-56-3 et procède au phase-out des JT-8 et JT-9. Snecma Services Brussels (SSB) devient et reste au sein du groupe le pôle d’excellence sur le CFM-56-3, mais assure aussi les réparations des chambres à combustion de toutes les autres versions du CFM-56: cela représente environ une centaine d’unités par an. SNECMA a investi plus de 60 millions d’euros dans sa filiale belge au moment de la reprise. On procède à une refonte complète de l’atelier qui s’organise désormais en flux de production. Deux bancs d’essai moteurs sont construits du côté est de l’aéroport, éloignés de toute zone habitée et respectant les night curfews pour réduire les nuisances sonores.

La révision des chambres de combustion marque un premier pas vers une diversification des activités.

Malgré un actionnariat à 100% français, l’ancrage belge reste bien présent: l’Administrateur délégué, Bruno Michel, est belge, de même que le directeur financier (Axel Neirynck) et le directeur technique (Geert Verhoeven). Les services commerciaux de l’ensemble du groupe sont situés en région parisienne, mais avec une antenne bruxelloise dirigée par Philippe Possoz, qui est le lien entre l’atelier bruxellois et le commercial mondial. Très actif dans les missions économiques belges à l’étranger, Philippe Possoz parcourt le monde pour vendre la qualité et l’expérience de Snecma Services Brussels (SSB) aux nombreux opérateurs d’avions équipés de moteurs CFM. Depuis la dernière restructuration des équipes commerciales de SNECMA à Paris, Philippe Possoz est en charge de la vente des moteurs CFM et des services de maintenance en Inde, Bangla Desh, Népal et Sri Lanka. Suite à une prospection ciblée et permanente de l’équipe de vente SNECMA dans tous les coins du monde, des moteurs CFM-56 de toutes provenances aboutissent à Bruxelles où ils sont révisés, réparés et réexpédiés à leurs opérateurs, contribuant de façon positive à la fois à la balance des paiements (100% de chiffre d’affaires réalisé à l’exportation!) et au maintien d’un emploi de haute technicité. Snecma Services Brussels (SSB) emploie pas moins de 250 personnes. L’atelier est bien sûr agréé belge et européen (EASA), mais aussi par la FAA américaine et par les autorités aéronautiques civiles d’Argentine, Chine, Inde, Russie, Thailande, Vietnam, et autres. La liste des compagnies aériennes mondiales qui envoient leurs moteurs en révision dans notre pays est longue et impressionnante.

Le CFM-56-3 a fait les beaux jours de l’entreprise et contribue encore à son succès . Il n’est plus monté sur les avions en cours de production et sa robustesse et sa fiabilité font qu’il reste énormément de temps under wing. Et pour un atelier de maintenance moteur, il faut digérer le creux entre la livraison d’un nouveau moteur et le besoin en maintenance du fait de l’augmentation du time between overhaul (TBO, potentiel entre révisions).

Depuis quelques mois, l’atelier travaille également sur les versions plus récentes du CFM-56, notamment le -7B qui équipe les Boeing 737NG.

Le défi au cours des derniers mois a été de répondre à la nécessité de trouver de nouvelles activités afin de poursuivre le développement de l’atelier de Bruxelles qui a une réelle valeur ajoutée au sein du groupe SNECMA. Des solutions ont été cherchées dans deux directions: la certification pour travailler sur un autre type de moteur, et la diversification des activités.

C’est ainsi que Snecma Services Bruxelles est depuis quelques mois certifié pour les entretiens et réparations des CFM-56-7B qui équipent les Boeing 737NG (New Generation), soit les -600,-700, -800 et -900.

De nouvelles activités ont été développées par une diversification vers des métiers annexes tels que conseil en engineering, la location de moteurs de remplacement et le démontage de moteurs en pièces en vue de leur revente sur le marché de l’occasion .

Le métier de la maintenance a beaucoup évolué et l’avenir de Snecma Services Brussels (SSB) est aussi garanti par le fait que les vendeurs de moteurs neufs, comme Philippe Possoz, vendent ceux-ci avec un contrat de maintenance total care attaché. Ce sont souvent des contrats à l’heure de vol d’une durée de 8 à 10 ans, ce qui garantit un nombre de shop visits sur une période connue.

Au niveau du groupe, SNECMA doit aussi trouver rapidement de la capacité de montage supplémentaire de modules et moteurs neufs pour répondre aux augmentations de cadences de production de Boeing et Airbus.

Avec des conséquences au niveau de Snecma Services Brussels (SSB) où 2012 est d’ores et déjà marqué par un tournant décisif dans le développement des activités du site: la fabrication de modules de moteurs neufs.

Avec la production de modules pour le turbofan GP7000 équipant les Airbus A380, Snecma Services Brussels (SSB) développe une nouvelle activité et assure son avenir.

Grâce à son appartenance à SNECMA, Snecma Services Brussels (SSB) assure son avenir par le développement d’une toute nouvelle activité pour l’entreprise belge: l’assemblage du module de compression haute pression (rotor et stator) (HPC) du moteur GE-PW GP7000 qui équipe l’Airbus A380 et auquel participe SNECMA. Le projet a débuté officiellement le 13 décembre 2011 et représente un investissement d’un million d’euros. Pour 2012, première année de production, il est prévu de livrer 12 modules.

La qualité et l’expérience de l’atelier Snecma Service Brussels (SSB) et son appartenance à un groupe puissant lui ont permis de péréniser le talent né en 1947 et de lui assurer un avenir prometteur dans un secteur industriel de très haute technicité et porteur à moyen et long terme. Snecma Services Brussels (SSB) est un des fleurons du groupe SAFRAN et permet à cette entreprise à l’ancrage belge de se positionner parmi les pôles d’excellence dans un domaine super-spécialisé et où la concurrence est mondiale.

Texte et photos: Guy Viselé

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Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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