Bierset, 8 septembre 2012. L’aéroport de Liège a connu depuis une vingtaine d’année un développement remarquable de ses activités civiles. Cela ne doit pas nous faire oublier son fabuleux passé militaire, vieux lui de plus de nonante années. Pour perpétuer le souvenir de la base de Bierset, une fraternelle d’anciens s’est créée sous la dénomination « White Bison » et a créé un petit musée en 1988.
Un week-end « portes ouvertes » a permis à Hangar Flying de découvrir une collection fabuleuse de documents, matériels, uniformes et autres trésors rappelant un historique de près d’un siècle.
Une photo historique: Mimile Witmeur devant un Bréguet XIX. |
Historique
L’histoire de l’aéronautique liégeoise débute en 1914, peu avant le début de la Première Guerre mondiale, avec la création d’une plaine d’aviation à Ans. Les Farman HF-22 de l’Armée belge ne peuvent pas grand chose face à l’offensive allemande et le 18 août ceux-ci s’emparent de l’aérodrome. Ils jugent cependant l’endroit peu approprié et aménagent un nouveau terrain à Bierset. Ils utilisent l’aérodrome comme terrain de réparation et de transit entre l’Allemagne et le front. Après la guerre, il faudra attendre le 1er mars 1920 pour voir enfin l’intégration de l’aviation dans la structure de l’armée belge sous la dénomination « aéronautique militaire ». La construction de la caserne De Cubber est entamée cette année là. Et le 13 février 1922, les premiers avions de l’aéronautique militaire belge prennent possession des nouvelles installations de Bierset-Awans. Ce sont d’abord des DH-4 qui équipent les 10ème, 11ème et 12ème Escadrilles qui composent le 5ème Groupe de Bombardement. Le premier grand meeting aérien a lieu le 27 mai de la même année. La période de l’entre-deux guerres verra différents changements de dénomination des unités et l’arrivée de nouveaux matériels: d’abord des DH-9, puis en 1928 l’arrivée des Bréguet XIX, et en 1935 des Renard 31. Ceux-ci se distinguent au sein des 9ème et 11ème Escadrilles du Vème Groupe du 1er Régiment d’Aéronautique (9/V/1Aé et 11/V/1Aé) au cours de la campagne de mai 1940 en effectuant pas moins de 54 missions de guerre avant de recevoir l’ordre de capituler, ce qu’elles seront d’ailleurs les dernières à faire.
Maquette du Renard 31 aux couleurs de la 11ème Escadrille, dont l’insigne (le Sioux au cercle rouge) a été repis par la 21ème Escadrille du 15ème Wing. |
Suite à l’invasion allemande, l’aérodrome de Bierset est occupé dès le 15 mai 1940 par un Staffel de Junkers 88, puis, à partir du 25 mai, par des Stukas. Une action héroïque de sabotage par la Résistance Belge a lieu en 1944, et un monument « Refuge Saumon » commémore cet événement à côté du Musée « White Bison ».
Le monument « Refuge Saumon » commémoratif de l’action de sabotage des résistants en 1944. |
Fin 1944, suite à l’offensive alliée, Bierset est occupé par le 42ème Groupe de la 9èmeAir Force qui va jouer un rôle déterminant. En effet, les chars américains risquaient d’être immobilisés faute de carburant, le ravitaillement par route ne suivant pas à une cadence suffisante. L’opération « Red Bull Express » est mise sur pied. Un pont aérien est créé entre l’Angleterre et Bierset. L’aérodrome va accueillir chaque jour plusieurs centaines de C-47 Dakota, chargés des précieux fûts de carburant. Les atterrissages se succèdent à un rythme effrayant, avec à certains moments un mouvement toutes les 20 à 30 secondes. Cela ne se fait pas sans casse et plsuieurs crash se produisent en raison de la mauvaise météo et des risques du vol en formation. Quand le terrain est saturé, les Dakotas attendent par pelotons de 24 l’autorisation d’atterrissage.
Pièce d’artillerie anti-aérienne utilisée par les américains pendant la deuxième guerre mondiale. |
Après la guerre, ce sont les civils qui donnent un nouvel essor à l’aérodrome, avec la création du Royal Motor Union Aviation, longtemps présidée par le Docteur Daelhem. En 1947, la Sabena fait une escale à Bierset sur la ligne Bruxelles-Paris opérée en DC-3. Avec la Guerre Froide, la décision est prise en 1950 de remplacer l’ancienne base par de nouvelles installations sur le territoire de Bierset (Velroux) et de construire une piste OTAN adaptée aux avions à réaction. La base sera ouverte le 27 septembre 1953 sous l’appelation de 9ème Wing de Chasseurs Bombardiers, avec trois escadrilles (22ème, 26ème, 30ème) équipées de Meteor VIII. La 26ème adopte le bison comme insigne, et cet animal sera repris à sa création en 1968 par le 3ème Wing Tactique. En 1957, les Meteor sont remplacés par des Hunter F.6.
Le 9ème Wing est dissous le 30 avril 1960 lors d’une réorganisation de la Force Aérienne. Dès novembre, la base accueille temporairement les escadrilles du Wing Engins Téléguidés Sol-Air (WETSA) avant leur déployement définitif à Düren en 1962. Les avions reviennent en avril 1963, avec l’arrivée en provenance de Beauvechain de la 42ème Escadrille Recce équipée de RF-84F Thunderflash. Dès 1967, les T-33 du VSV s’installent également après leur départ de Chièvres. En 1968, la base change de nouveau d’appelation et devient le 3ème Wing Tactique. En 1970, les T-33 déménagent vers Brustem et les premiers Mirage 5B arrivent à Bierset. En 1971, la 1ère Escadrille (F-84F) quitte Florennes pour Bierset, tandis que la 42ème part en sens inverse faire sa conversion en Mirage 5BR à Florennes. La 8ème Escadrille arrive avec ses tout nouveaux Mirage 5BA le 15 décembre. En 1988, la 42ème Esc Recce revient à Bierset et remplace la 1ère Esc qui retourne à Florennes en mars 1989.
Le BA-08 de la 8ème Escadrille aux couleurs spéciales « 20 ans Mirage ». |
Le Mirage occupe une place importante dans l’histoire militaire de Bierset, et en 1990 le BA-08 est peint en bleu et blanc, les couleurs de la 8ème Esc, pour commémorer les 20 ans de service belge de cet appareil mythique. Malheureusement, suite à une nouvelle restructuration, la 8ème Esc est dissoute le 30 septembre 1991. Ces fameux Mirage 5 ont participé avec succès à la mission « Ace Guard » durant la première Guerre du Golf, au départ de la base turque de Diyarbakir, effectuant pas moins de 650 missions de dissuasion sous forme de patrouilles le long de la frontière irakienne.
1994 voit la fin de la période « Force Aérienne » ( à l’exception du contrôle aérien qui fonctionnera jusqu’en 2011) et la remise de la Base de Bierset à la « Light Aviation », dont les trois Bataillons d’hélicoptères et l’unité de maintenance sont rapatriés d’Allemagne. En 2004, le Groupement d’Aviation Légère est intégré dans la Composante Air sous la dénomination de Wing Héli. L’expansion des activités civiles de Liege Airport et les contraintes budgétaires entraînent la décision en octobre 2009 de déménager le Wing Héli vers la Base de Beauvechain. Et en novembre 2011, c’est la fin des activités militaires sur la Base, nonante années après l’arrivée des premiers DH-4.
The White Bison
Un historique aussi riche ne pouvait être laissé à l’abandon. Notre guide, Jean Loncelle, administrateur de l’asbl et conservateur du Musée, nous explique comment en 1988 naquit le Musée, dans une salle de 6 mètres sur 6 mètres face au mess sous-officier de la base. Il était alors Adjudant-Chef et responsable de l’armement à la 8ème Escadrille. Depuis, le Musée a déménagé deux fois, d’abord vers la Caserne De Cubber (en cours de démolition…), puis depuis 2010 vers l’ancien Bloc Etat-Major du 3ème Wing, situé dans les aires nord de l’ancienne base. Comptant plus de 900 membres, la Fraternelle « The White Bison » doit son nom à l’animal qui servit d’insigne d’abord à la 26ème Escadrille, puis au 3ème Wing. Le « white » fut choisi en fonction de la couleur de cheveux des anciens…
De nombreuses photos illustrent la période 1922-1940. |
Le Musée est ouvert gratuitement chaque jeudi de 10h00 à 16h00, et chaque premier dimanche du mois de 10h00 à 12h00, à l’exception des jours fériés. Il dispose d’une cafétéria, d’un centre de documentation/bibliothèque, et de nombreuses salles d’exposition consacrées à divers thèmes qui illustrent l’historique de la Base de Bierset: maquettes, simulateur de vol, instruments de bord, armement Mirage, 8ème Escadrille, 42ème Escadrille, période américaine 1944-1945, période Allemande 1940-1944, l’avant-guerre, Ground Defense, Survie, déminage,etc. De nombreux documents, des photos rares et beaucoup d’objets, instruments, armements, constituent une mine d’information pour l’historien et le passionné d’aviation.
Le tableau de bord d’un RF-84F Thunderflash. |
L’asbl est gérée par un Conseil d’Administration présidé par Daniel Grégoire. Elle publie un bulletin trimestriel et dispose d’un site web (http://www.whitebison.be ).
Le week-end « Portes Ouvertes » s’est inscrit dans le cadre des Journées du Patrimoine, et diverses animations ont permis d’attirer le public vers un Musée trop peu connu et qui mérite le détour.
L’insigne du « White Bison ». |
Texte et photos: Guy Viselé