Kleine-Brogel, le 2 octobre 2012. Les exercices Green Blade et Pegasus combinés au niveau européen s’y déroulent depuis le 17 septembre sous l’égide de l’EDA (European Defence Agency). Ces importantes opérations auxquelles participaient la Belgique, le Grand Duché du Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont mis un effectif de 18 hélicoptères et quelques 550 personnes en œuvre, de même des troupes des forces spéciales belges, italiennes et espagnoles pour une période de trois semaines. L’un des points forts de ces grandes manoeuvres avait lieu le 2 octobre avec une démonstration de neutralisation de forces rebelles et la capture leur leader dans des conditions très proches de la réalité.
Arrivée du Boeing CH-47C Chinook (MM81460) du 1er Reggimento « Antares » au terrain de Bourg-Léopold pour une présentation préalable à l’exercice; l’opérateur du treuil/mécanicien de bord se penche à la fenêtre pour assurer un poser parfait du gros hélicoptère de transport. |
EDA (European Defence Agency)
L’Agence européenne de la défense procède du Conseil de l’Union Européenne et est active au niveau ministériel autant que des états-majors et donc des forces armées des nations ayant souscrit aux programmes que cette agence a établi ou compte développer dans un futur plus ou moins rapproché.
Les états membres de l’EDA sont la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, l’Autriche, l’Irlande et l’Espagne. Cette agence, constituée fin 2003 et dont le plein potentiel opérationnel fut atteint à l’été 2005, s’astreint à développer et à exécuter de nombreux programmes de mutualisation et de partage (pooling & sharing) des moyens des forces armées des états européens membres, non seulement en termes d’accords mais également d’exercices et de mises en commun d’équipement militaires et des personnels et de l’encadrement nécessaires à leur interopérabilité. Bien qu’active en Europe, l’EDA entretient également des relations suivies avec l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ainsi qu’avec la défense des Etats-Unis d’Amérique.
Claude France Arnould, Chief Executive (Directeur général) de l’European Defence Agency est en grande conversation avec le Général de Brigade Aviateur Andries. |
Sous la présidence de Claude France Arnould, l’EDA agit actuellement dans dix domaines de mutualisation et de partage des moyens et dispositifs militaires, parmi lesquels trois concernent directement l’aviation ou la mobilité aéroportée dans une perspective européenne globale, à savoir les opérations avec hélicoptères, la gestion des capacités de transport aérien stratégique et tactique (qui prendra plus d’ampleur avec la mise en service prochaine des Airbus A400M Atlas) et la gestion de l’énergie et du carburant, dont un des aspects couvre le programme des futurs avions de ravitaillement en vol dont l’Europe a grand besoin.
Green Blade & Pegasus 2012
L’exercice multinational d’aéromobilité héliportée Green Blade se tint pour la première fois en 2009 dans le Midi de la France. Les 2ème et 3ème éditions se déroulèrent respectivement en Espagne et en Italie et la Belgique accueille donc le 4ème exercice Green Blade qui suit immédiatement celui, relativement similaire et dénommé Hot Blade, qui fut mis sur pieds pour la première fois au Portugal du 4 au 8 juillet 2012.
Arrivée des deux Agusta A129C Mangusta (EI906 et EI911) du 5ème Reggimento « Rigel » / 49 Squadriglia « Capricorno » à l’aérodrome de Bourg-Léopold, base de départ de l’exercice du jour. |
L’A129C Mangusta (EI911): un beau profil de prédateur lourdement armé de missiles et d’un canon Gatling multitubes de 20 mm. |
Rayonnant depuis la base limbourgeoise de Kleine-Brogel, Green Blade 2012 alignait 15 hélicoptères de combat, de transport, d’intervention tactique ou d’évacuation médicale. C’est ainsi que l’Italie avait dépêché deux Agusta A129C Mangusta de la 49 Squadriglia « Capricorno » du 5ème Reggimento « Rigel » basé à Casara dans le nord-est de la péninsule ainsi que deux Boeing CH-47C Chinook birotors du 1er Reggimento « Antares » venu de Viterbo, non loin de Rome. L’Allemagne avait envoyé six Bell UH-1D Huey du Transporthubschrauberregiment 30 cantonné à Niederstetten en Bavière septentrionale. La participation belge comportait cinq Agusta A109 en version médévac, d’appui-feu ou d’observation, tous fournis par la 18ème escadrille du Wing Heli de la Composante Air. Le dispositif, afin d’être pleinement opérationnel, reçut encore l’assistance d’un Boeing E-3A Awacs de l’OTAN ainsi que de F-16AM (jusqu’à quatre appareils) avec pod de reconnaissance Sniper et de deux UAV B-Hunter du squadron 80 de la Composante Air afin de pouvoir disposer de toutes les informations utiles avant et pendant l’action des unités d’assaut de même que d’informer les contrôleurs chargés de guider l’opération.
A l’atterrissage, le Bell UH-1D Huey immatriculé 72+45 chez les Heeresflieger (aviateurs de l’armée de terre) du Transporthubschrauberregiment 30 (régiment d’hélicoptères de transport) basé à Niederstetten en Bavière. |
Outre les nations participant à cette manœuvre, plusieurs états européens avaient envoyé des observateurs, à savoir la Bulgarie, la Tchéquie et l’Autriche et même le Canada. Cet exercice multinational de grande envergure s’étalait sur trois semaines en deux phases distinctes, soit la partie CETFIT (combat enhancement training – force intégration training), c’est-à-dire l’optimisation de l’entraînement au combat autant que l’intégration des équipages au cours de la première semaine, les deux semaines suivantes étant dévolues à la partie dite FTX (field training exercise ou exercices sur le terrain). Ces phases s’appliquaient à Green Blade autant qu’à Pegasus impliquant les forces spéciales (parachutistes, commandos et autres) belges, italiennes et espagnoles.
Gros plan sur les deux miniguns montés en sabord dans l’Agusta A109 H29 de la 18ème escadrille du Wing Heli de Beauvechain. |
Pegasus, un exercice plus ancien que Green Blade, a également nécessité, outre les hélicoptères, la mise en œuvre de moyens terrestres et aéroportés parachutés depuis des C-130H Hercules de la Composante Air Belge. Les participants eurent encore l’occasion, strictement aux fins d’entraînement, d’effectuer des sauts depuis le ballon captif de l’aérodrome de Schaffen-Diest, bien connu des parachutistes belges.
Les quelques 800 militaires prenant part directement ou indirectement aux deux exercices internationaux ont démarré sur le chapeau des roues: à tire d’exemple, la première semaine de Green Blade (du 17 au 22 septembre), 83 heures 20 minutes de vol étaient acculées par l’ensemble des hélicoptères, les Agusta A109 belges et les Bell UH-1D Huey allemands se taillant la part du lion avec, respectivement, 43 heures 15 et 32 heures 25.
L’opération contre les insurgés débute avec la descente rapide par cordes des commandos des deux UH-1D (dont le 73+30 ici) sur l’objectif, à savoir la villa où se terre le chef des rebelles et plusieurs des ses acolytes lourdement armés. Le largage des huit assaillants et leur investissement de l’objectif ne prendront que quelques minutes. |
Dans le vif du sujet en conditions (presque) réelles
Quelques entraînements très réalistes se sont déroulés sur des thèmes collant de près à l’actualité et requérant l’insertion de troupes héliportées ou parachutées en des points précis afin de neutraliser des factions malintentionnées ou de procéder à l’extraction d’otages. L’un de ceux-ci était particulièrement significatif: il s’intitulait « Heimdall’s Return » et s’est tenu au milieu de la première semaine de la phase FTX. Il avait pour objet d’exécuter une résolution des Nations Unies concrétisée par un assaut sur un aérodrome dont s’étaient emparés des narcotrafiquants, les profits de la drogue servant souvent à financer le terrorisme international. Il y avait cependant une complication, dans la mesure où deux otages étaient détenus dans la tour de contrôle de l’aérodrome cible de l’assaut. Le commando chargé de neutraliser les malfrats, sécuriser les otages et finalement détruire les installations fut héliporté sur place par un Chinook italien et deux UH-1D allemands, tandis qu’un A109 belge actait comme poste de commandement volant, qu’un autre observait la zone durant l’assaut alors qu’un A129C italien était prêt à assurer l’appui-feu aérien à la demande. Un autre A109 médévac était maintenu en alerte à Kleine-Brogel et des experts de la brigade des stupéfiants et de l’anti-terrorisme de la police belge étaient amenés sur l’objectif par deux MD 900 de l’unité de support aérien de la police fédérale basé à Melsbroek.
Le seul blessé au cours de l’assaut est transporté dans une civière vers l’Agusta A109 médévac (H22) de la 18ème escadrille de la Composante Air. |
La démonstration « comme pour de vrai » organisée pour la presse était basée sur un scénario relativement proche de celui de l’exercice évoqué ci-dessus et tout autant sur un thème que l’on peut qualifier d’actuel. Le crachin dense et soutenu réduisait la visibilité horizontale et abaissait considérablement le plafond, ce qui n’a fait que renforcer le côté dramatique et réaliste de la manœuvre.
Le H22 décolle de l’étroite clairière envahie par le crachin dense afin d’emmener le blessé vers un hôpital à l’arrière. |
Le décor: un bois, quelques petites clairières et une villa en bordure de l’une d’elles.
Le problème: un groupe révolutionnaire radical terrorise et opprime la population civile depuis longtemps et le chef des illégaux est retranché dans cette villa, comme confirmé par de nombreux moyens de reconnaissance la survolant ou en action à proximité.
Le déclenchement: la résolution 945 de l’ONU qui engendre la constitution d’une force de sécurité internationale afin de capturer vif le leader de la rébellion. Aussitôt et pendant deux jours d’affilée, l’objectif est étroitement surveillé afin de déterminer avec précision le modus vivendi des rebelles, par ailleurs lourdement armés.
Extraction des forces spéciales d’assaut par le Bell UH-1D Huey 72+39 du THR 30 allemand. |
La mission: le jour J, un F-16AM doté d’un pod de reconnaissance fournit les dernières indications aux équipages des hélicoptères en route pour mener l’assaut. Les images saisies par le pod Sniper indiquent que la majeure partie des insurgés se trouve à l’intérieur de la maison mais qu’un véhicule avec des armes lourdes patrouille à proximité de celle-ci.
L’assaut: l’information est reçue par les deux Agusta A129C Mangusta qui prononcent leur attaque pour neutraliser toute hostilité à proximité de la villa. Immédiatement après leur premier passage, le commando de défense du périmètre d’assaut est déposé côté ouest de la villa par un Chinook italien, tandis que deux UH-1D Huey allemands se positionnent du côté sud-est de l’objectif en vol stationnaire permettant aux forces spéciales d’effectuer une descente rapide par cordes et de faire exploser les portes pour se ruer à l’intérieur et, grâce à l’effet de surprise, s’emparer du chef des insurgés. Les A129C Mangusta continuent de cercler l’objectif, prêts à intervenir si nécessaire.
Pour clôturer l’opération couronnée de succès, le Chinook italien (MM81460) vient récupérer le peloton des forces spéciales héliportées dès le déclenchement de l’assaut pour assurer un cordon de sécurité sur le périmètre de l’objectif; la clairière semble bien étroite pour le gros hélicoptère de transport qui fait quand même 18 mètres de longueur et dont le diamètre de chaque rotor est de 18,30 mètres. |
Evacuation médicale: le raid s’est déroulé avec succès, mais un des commandos a été blessé à la jambe. Un A109 médévac belge vient se poser dans la clairière pour l’emmener vers un hôpital à l’arrière. Pour éviter toute surprise désagréable, l’hélicoptère médical est protégé, alors qu’il est au sol et vulnérable, par un autre A109 belge armé de mitrailleuse en sabord, l’une à gauche et l’autre à droite, les mitrailleurs ayant le doigt sur la gâchette au cas où…
L’extraction: les commandos amenés par UH-1D sont extraits aussi rapidement qu’ils ont été insérés et, finalement, le Chinook vient récupérer le peloton qu’il avait déposé au tout début de l’assaut dans le but de former un cordon de sécurité autour de la zone de l’objectif.
Le badge officiel des exercices européens Green Blade et Pegasus 2012 qui se sont déroulés en Belgique au départ de la base limbourgeoise de Kleine-Brogel du 17 septembre au 5 octobre. |
La cohésion de cette démonstration très dynamique était illustrée par ses diverses phases qui s’emboîtaient pertinemment les unes dans les autres, attestant ainsi du niveau élevé d’interopérabilité des équipages et des moyens mis en action par les trois nations y prenant part: Belgique, Allemagne et Italie. Les conditions météo exécrables n’ont fait que renforcer le degré d’excellence atteint par les intervenants.
Remerciements aux Adjudants Peter Dewael et Philippe Van Huyck de Comopsair IPR ainsi qu’à Elisabeth Schoeffman, M&C Officer de l’EDA.
Texte et photos: Jean-Pierre Decock