Gembloux, le 1er septembre 2013 : la BAPA (Belgian Aviation Preservation Association) prend son envol public dans ses vastes ateliers situés à Gembloux. Yves Duwelz, le président de cette ASBL vouée à l’aviation et constituée par un acte officiel fin 2012, nous amène faire le « tour du propriétaire » et nous explique les tenants et les aboutissants de cette jeune association.
Une équipe qui se donne le dynamisme de ses ambitions
Les fondateurs et les sympathisants de la BÄPA sont non seulement des enthousiastes d’un gabarit hors du commun, mais également des experts de la restauration d’avions qui ont fait leurs preuves au cours des décades précédentes. Tous ont été – et sont effectivement toujours – actifs au sein de la BAMRS (Belgian Air Museum Restoration Society) depuis très longtemps. On leur doit, sans trop remonter dans le temps, la restauration de longue haleine des Spitfire XIV, Mosquito NF XXX, Fieseler Storch, Tipsy Trainer et Belfair, Dragon Rapide ainsi que de l’aéroplane de de Caters (le brevet de pilote belge n° 1), sans que la liste soit exhaustive.
Le Président de la BAPA, Yves Duwelz (à gauche) en compagnie de Vincent Jacobs (à droite), cofondateur et propriétaire des locaux de Gembloux, lors de leur allocution le jour de leur inauguration. |
Le même groupe est à l’origine de l’acquisition et de l’atterrissage en Belgique en 2006 du bombardier bimoteur North American B-25 Mitchell dont nous parlons plus loin.
Un peu à l’étroit dans leurs locaux de la Section Air du Musée Royal de l’Armée, de même que dans les procédures administratives parois tarabiscotées de cette très officielle institution, ils se sont résolus à voler de leurs propres ailes, grâce surtout aux vastes ateliers de Gembloux qui sont la propriété de l’un d’eux, Vincent Jacobs. Ces nouvelles infrastructures leur permettront de dynamiser les nombreux projets auxquels ils se sont attelés au profit de la Section Air du Cinquantenaire, mais aussi aux fins d’exposition dans leurs locaux pour le plus grand plaisir des fanas et enthousiastes de l’aviation, très nombreux dans un pays aussi aérophile que la Belgique.
Inventaire en forme d’éventail
L’inventaire de la collection, au premier septembre 2013, est des plus intéressants par la diversité, mais aussi de l’originalité, des machines volantes qu’elle comprend, dont certaines inattendues et d’autres d’une rareté exceptionnelle.
Au rang des machines d’exception figure un exemplaire de l’autogire Focke Achgelis Fa 330, donc d’un aéronef à voilure tournante, mais celui-ci n’était pas motorisé et avait donc été conçu et construit comme un planeur à rotor durant la seconde guerre mondiale. Cet étrange engin devait être embarqué démonté à bord d’un sous-marin pour être remonté quand celui-ci faisait surface. Il était alors lancé avec un pilote à bord et tracté face au vent, ce qui le faisait grimper relativement haut (jusqu’à 800 mètres) pour permettre l’observation sur une distance respectable. Ce type d’appareil fut essayé et peu, ou même pas, utilisé en opérations et servit à l’entraînement des futurs marins pilotes. Il en subsiste quatorze exemplaires, tous repris à l’inventaire de musées, plus celui de Gembloux (numéro de construction 10010) qui fut acheté dans le Midi de la France en 1977 par l’un des membres du BAPA et entièrement réentoilé et peint par ses soins en l’état dans lequel on peut l’admirer actuellement; c’est le seul Fa 330 compris dans une collection privée.
Le hall de Gembloux abrite également des moteurs et des vestiges d’appareils qui se sont crashés durant la dernière guerre sur le sol belge. La cheville ouvrière de cette activité particulière est Nicolas Clinaz bien connu pour ses nombreuses fouilles et trouvailles extrêmement intéressantes, telles que le moteur Rolls Royce Merlin d’un bombarder Lancaster abattu à proximité de Gembloux, de même que des hélices brisées de Focke Wulf Fw 190 et de P-38 Lightning. Bien que n’étant pas relié aux avions de combat du dernier conflit, un superbe moteur en étoile Walter de 120 CV brille de ses neufs cylindres rutilants.
Grâce à André Dillien, trois des appareils de la collection de planeurs anciens de feu Guy Englebert sont à présent préservés par la BAPA à Gembloux. Il s’agit d’un biplace Akaflieg München MÜ 13E en parfait état qui apparut au registre belge en tant qu’OO-ZLM en 1973. Deux planeurs-poutres proviennent également de la même source, en l’occurrence deux Slingsby Grasshopper qui ressemblent à s’y méprendre aux SG38 allemands qui furent les premiers du genre. Il s’agit de planeurs « minimum » qui étaient, dans les années 30, 40, voire (0, exclusivement affectés à l’apprentissage du vol plané (chacun d’une poignée de secondes) aux jeunes pilotes. Il entre dans les intentions de la BAPA de refaire voler l’un d’eux dans un très proche avenir.
Le fuselage du Pou du Ciel OO-04 en cours de reconstruction avec son décor conforme là celui de 1949 et qui arrivera enfin à voler, après pratiquement soixante ans d’inactivité. |
La BAPA est également riche de trois carlingues de Pou du Ciel plus ou moins complètes. La meilleure est celle de l’ex OO-04 dont la construction fut initiée en 1949. L’appareil fit quelques vols d’essai sans succès à l’aérodrome d’Alost et y fut ensuite oublié jusqu’en 1960. Depuis lors, il changea trois fois de propriétaire sans jamais reprendre l’air, l’avant-dernier apparaissant en 1985. C’est finalement l’un des cofondateurs de la BAPA, Vincent Jacobs, qui en est devenu le propriétaire. Il s’est attelé à la restauration de ce Pou du Ciel pour le faire voler dans un avenir pas trop éloigné. Vincent Jacobs travaille également à la construction d’une cellule de Tipsy Junior avec la volonté de le voir prendre l’air un jour. Les deux autres Pou du Ciel sont des achats d’opportunité effectués en France, desquels on ne connaît ni l’historique, ni le développement.
Le grand projet de la BAPA : restaurer un B-25 Mitchell
Le North American B-25 Mitchell est le bombardier du fameux raid de Jimmy Doolittle célébré dans le livre et le film « Trente secondes sur Tokyo », une attaque menée en représailles quelques mois après l’ignominieuse attaque japonaise sur Pearl Harbor de décembre 1941.
Quelques uns de membres de l’actuelle BAPA avaient eu vent en 2005 d’un appareil de ce type à l’abandon et mis en vente en Angleterre. Cet avion (serial number 44-30925) avait participé aux prises de vues du film « Catch 22 » à la fin des années soixante et volait avec une livrée de ton sable rose, typique des opérations en Afrique du Nord et sur l’Italie méridionale en 1942-43. Il portait également sa pin-up et était baptisé « Laden Maiden » (on pourrait traduire cela librement par « la fille enceinte ») pour les besoins du film. Une fois les images en boîte, le Mitchell garda la livrée du film et vola régulièrement au sein de la Confederate Air Force (Commemorative Air Force depuis le début des années 2000) en Amérique jusqu’à la fin des années 70. Il rejoignit alors l’Angleterre pour être repeint en « olive drab », la couleur caractéristique de camouflage vert olive de l’aviation militaire américaine de la dernière guerre, afin de participer affublé du nom « Gorgious George-Anne » (la fabuleuse George-Anne) pour le film « Hannover Street » dont la vedette n’était autre que Harrison Ford. Il fut encore dénommé « Thar She Blows » pour les besoins du film durant lequel il porta toujours l’immatriculation fictive 151632. Il demeura ensuite en Grande-Bretagne et changea régulièrement de base et de propriétaire, jusqu’à sa mise en vente à l’état d’épave sans moteurs et son achat par des enthousiastes belges qui le firent transporter en Belgique en 2006 après s’être démenés comme diables dans un bénitier pour financer ces opérations de grande envergure.
Plusieurs arrangements, à titre gracieux ou peu onéreux, furent négociés pour faire subir en 2008 un traitement chimique au métal de la cellule afin de la préserver de la corrosion mais l’entreprise, au demeurant très coopérative, fit faillite. Une autre société compétente prit le relais avec un sablage du fuselage fin 2009 et le Mitchell fut amené à Grimbergen en avril 2010 en superbe état, grâce aux traitements industriels subis qui, effectués manuellement, auraient exigé de nombreuses années de labeur pour des résultats moins probants. Le B-25 déménagea de Grimbergen vers Gembloux le 26 mai 2013 où les volontaires de la BAPA vont s’atteler à sa remise en état pour exposition statique. Le chemin à parcourir sera néanmoins encore très long et semé d’embûches, la moindre n’étant pas de localiser et d’acquérir les deux moteurs en étoile Wright R-2600 Cyclone de 1.500 CV. Ce n’est qu’alors que le B-25 ainsi restauré constituera un magistral hommage à la bravoure des très nombreux équipages belges ayant combattu au sein des squadrons 98, 180 et 320 de la Royal Air Force lors de la dernière guerre.
Vedette de la réunion de la BAPA à Gembloux le 1er septembre 2013 : le T-28D Trojan de Kris Van den Bergh qui fit plusieurs passages à basse altitude. |
La BAPA, bien que créée récemment, est composée de restaurateurs d’avions blanchis sous le harnais a même de satisfaire les ambitions de l’association, comme en témoigne la présence de nombreux enthousiastes lors du pot d’inauguration des locaux de Gembloux le 1er septembre dernier. L’un des plus beaux gestes d’encouragement ce jour-là fut incontestablement le passage à basse altitude du North American T-28D Trojan de Kris Van den Bergh au-dessus des nouveaux ateliers avec la passe classique de salut caractérisée par des balancements d’ailes.
La BAPA vient de prendre son essor et nous lui souhaitons tout le succès qu’elle mérite et un bon et très long vol, sans nuages.
Texte et photos Jean-Pierre Decock
Pour en savoir plus ou contribuer à l’ASBL BAPA de quelque façon que ce soit : www.bapa.aero