LPV à Anvers: la technologie satellitaire européenne au service des aéroports belges

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Anvers, 10 décembre 2015. C’est avec fierté que le Commandant de l’aéroport d’Anvers-Deurne, Wim Verbist, a annoncé que son aéroport est le premier en Belgique à bénéficier de la nouvelle procédure d’approche LPV (Localizer Performance with Vertical guidance), permettant des atterrissages plus sûrs avec des minimas réduits, grâce à la technologie de navigation satellitaire du système européen EGNOS.

Co-organisée par l’Aviation Press Club et l’aéroport d’Anvers, cette présentation de la LPV a eu lieu dans les locaux de Flying Group, premier opérateur belge à utiliser cette procédure opérationnelle en Belgique à partir du 15 décembre 2015. Résultat d’une coopération entre les différents acteurs concernés, l’introduction de la LPV en Belgique a été expliquée par ses différents acteurs.

Les deux compagnies aériennes régulières opérant à Anvers – Deurne, VLM et JetairFly, prévoient d’opérer en LPV très prochainement.

Un long chemin

Tout a commencé il y a trois ans lorsque la compagnie aérienne régionale anversoise VLM a posé la question de la faisabilité d’une telle approche pour la piste 11 qui ne dispose pas d’aides à l’atterrissage. En effet, seule la piste 29 dispose d’un ILS. Et ce 10 décembre 2015, la publication d’un amendement aux AIP formalise la certification et la mise en service de la LPV anversoise sur les deux pistes.

Le chemin pour y arriver a été long. Belgocontrol, l’organisme en charge du contrôle aérien civil belge, a entamé une étude d’obstacles fin 2014, et réalisé une série de vols d’essais en 2015. La procédure est maintenant certifiée et tous les usagers de l’aéroport (compagnies aériennes, aviation d’affaire et aviation générale) peuvent en bénéficier. D’ores et déjà, les opérateurs locaux d’aviation d’affaires, Flying Group et ASL, s’y sont préparés. Ils seront suivis très prochainement par VLM et JetairFly. Et Belgocontrol annonce son intention de développer des procédures LPV pour les autres aéroports publics belges où l’entreprise assure les services de contrôle aérien (Charleroi, Liège, Ostende et Brussels Airport) avant la fin de 2017. Et l’aéroport de Kortrijk-Wevelgem a également l’intention d’introduire la LPV dans un avenir proche.

Belgocontrol a opéré en 2015 une série de vols d’essais et de calibration de la LPV avec un Beech King Air 200 de la DGAC française.

La dimension européenne
Fabio Gamba, CEO de la European Business Aviation Association (EBAA), l’organisation basée à Bruxelles qui défend les intérêts de l’aviation d’affaires européenne, est un ardent promoteur de la LPV. Cette procédure rend plus accessibles un grand nombre de terrains en Europe. Il y a actuellement environ 150 aéroports européens certifiés LPV et l’EBAA se réjouit de l’arrivée d’Anvers-Deurne dans ce nouveau club. Et de l’addition de la Belgique au nombre de pays européens permettant cette nouvelle procédure.

Dans le récent document « Aviation Package » de la Commission Européenne, la Commissaire Bulc évoque la nécessité de développer suffisamment de capacité pour répondre à la demande croissante. La congestion actuelle des principaux « hubs » européens, et les prévisions de saturation d’un plus grand nombre d’aéroports majeurs sont un défi. La LPV peut contribuer à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de plus de 500 aéroports dans toute l’Europe. Si cela ne changera pas la stratégie des compagnies aériennes classiques, basée sur le concept du « hub », il aura un effet plus que bénéfique sur les autres utilisateurs, offrant une alternative, principalement pour l’aviation d’affaires, en maximisant l’utilisation d’aéroports régionaux faisant usage d’approches guidées par satellites.

Fabio Gamba, CEO de l’EBAA, explique les avantages de la LPV pour l’aviation d’affaires.

Outre le problème de saturation des grands aéroports, les cieux européens sont de plus en plus encombrés. Cette croissance du trafic impose une accessibilité en toute sécurité et en tous temps pour les aéroports secondaires, ce qui ne peut être réalisé uniquement en « non-precision approaches ». La gestion du trafic aérien doit évoluer et passer d’un système basé sur des infrastructures au sol rigides et couteuses vers des systèmes plus avancés basés sur de nouvelles technologies.

De Galileo à EGNOS
Lorsque l’Europe a décidé dans les années nonante de développer son propre système de navigation satellitaire GPS, c’était d’abord pour des raisons géo-politiques : ne pas dépendre du seul réseau disponible à l’époque, à savoir le système GPS américain, fourni gratuitement à tous les usagers mais géré par les militaires US. Cette dépendance entrainait des inconvénients majeurs, tels que le risque de réduction de la précision des signaux fournis dans certaines zones sensibles du monde en cas de conflit, voire la suppression totale de l’accès en cas de crise majeure. Outre cette nécessaire indépendance à un fournisseur militaire étranger, l’Europe a aussi voulu être présente dans un secteur de haute technologie avec des perspectives de développement considérable pour son industrie. Et le projet Galileo est né : c’est la création d’un système global de navigation par satellite européen, offrant des performances comparables à celles du réseau GPS américain, mais avec une infrastructure autonome. Objectif : disposer d’un réseau de satellites permettant en permanence d’assurer avec précision le positionnement, et donc la navigation, de tous les véhicules, tant routier, que maritime ou aérien.

En aviation, cette technologie fait partie de la PBN (Performance Based Navigation) prônée par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale), et EGNOS, le SBAS (Satellite Based Augmentation System) européen de Galileo, est inclus dans le plan régional européen PBN. C’est l’implémentation d’ EGNOS  (European Geostationary Navigation Overlay Service), certifié depuis 2011, qui a permis la LPV en Europe. Et c’est une agence européenne, la GSA (European Global Navigation Satellite Systems Agency) qui œuvre pour encourager l’adoption de la technologie GNSS (Global Navigation Satellite System) européenne et développer plus d’applications au bénéfice des utilisateurs. L’utilisation des signaux EGNOS est gratuite.

Les Falcon 7X opérés par le Flying Group ont été parmi les premiers à être certifiés LPV.

Le point de vue des opérateurs
Cette technologie représente une solution alternative pour les opérateurs d’aviation d’affaires, les compagnies régionales et l’aviation générale qui dessert un grand nombre d’aéroports secondaires qui ne disposent souvent pas ou pas en nombre et performance suffisants des infrastructures au sol permettant les atterrissages par mauvaise visibilité.

La procédure d’approche LPV est basée sur des signaux GPS dont la précision est améliorée par le système SBAS (Satellite Based Augmentation System) du réseau de satellites européens EGNOS. Il permet aux avions de réaliser des approches guidées de façon tridimensionnelle par le GPS avec un abaissement conséquent des minimas autorisés. Ces approches sont beaucoup plus précises que les performances de balises au sol tels que les ILS de Catégorie 1 et 2, et encore plus dans le cas des approches NDB/VOR. Et elles permettent ces opérations dans les deux axes de pistes. Elles permettent de réduire les « decision height » jusqu’à 200 ft en fonction des obstacles locaux.

Walter Dierick, Training Manager chez Flying Group explique: “Les procédures PBN (Precision Based Navigation), et plus spécifiquement celles permettant des atterrissages jusqu’au minima LPV, rendent accessibles en toute sécurité un nombre beaucoup plus important de destinations régionales et représentent une avancée opérationnelle significative. Flying Group apprécie particulièrement de bénéficier de cette possibilité d’approches LPV à sa base d’Anvers. Pour la piste 11 à Anvers, la « decision-height » en LPV peut descendre jusqu’à 305 ft alors qu’avant elle n’était accessible qu’en NPA (Non Precision Approach) ».

À bord des avions, il faut adapter les fonctionnalités du FMS pour pouvoir utiliser la LPV. (Photo : Honeywell via Flying Group)

En matière d’équipement à bord des avions, il faut disposer d’un « receiver » certifié EGNOS et adapter les fonctionnalités du FMS (Flight Management System). Il y a également des impositions en matière de formation des pilotes et d’adaptation des manuels d’opérations pour y inclure les procédures d’approche adaptées.

Les « receivers » certifiés EGNOS sont facilement disponibles grâce à leur compatibilité avec le système américain WAAS (environ 60.000 « receivers » en service dans l’aviation), et, rien qu’aux Etats-Unis il y a déjà plus de 3.500 procédures WAAS LPV publiées, soit nettement plus que les procédures ILS.

 La présentation LPV s’est déroulée dans les locaux de Flying Group devant un de leurs Falcon 2000 certifiés pour cette nouvelle procédure.

Belgocontrol
Paul Hopff, de Belgocontrol, a expliqué le fonctionnement de ces nouvelles technologies et le rôle essentiel de l’entreprise publique autonome dans son implémentation en Belgique.

Les approches conventionnelles sans ILS ne permettent pas de guidance verticale. Les nouvelles technologies de navigation satellitaires GNSS (Global Navigation Satellite System) (GPS) peuvent voir leur précision augmentée soit par un système d’augmentation dans l’avion (aircraft-based augmentation system) (RAIM), soit par un système augmenté dans l’espace (SBAS- Space Based Augmentation System) (EGNOS en Europe, WAAS en Amérique du Nord). Les approches qui utilisent cette technologie sont dénommées RNP (Required Navigation Performance). Pour l’OACI, les approches RNP voient les « conventional non-precision approaches » (NPA) remplacées par les RNP Approaches with Vertical Guidance. Il existe pas moins de quatre sous-catégories de RNP Approaches : LNAV, LNAV/VNAV, LPV, Circling, utilisant soit GPS + RAIM, soit GPS + SBAS (EGNOS), mais le « lateral path » sera le même dans les quatre. La LNAV n’a pas de guidance verticale, la LNAV/VNAV dispose d’une guidance verticale barométrique, la LPV utilise EGNOS pour sa guidance.

  Le document officiel: la carte d’approche de la piste 11 d’EBAW en procédure LPV publiée dans les AIP le 10 décembre 2015.

Le développement de cette procédure a connu un cheminement très long. Partant des recommendations de l’OACI, il a fallu d’abord développer un concept opérationnel. Après une étude d’obstacles, il a fallu procéder à de nécessaires adaptations de l’espace aérien, et développer la nouvelle procédure. Après un « safety case », la procédure a été validée et vérifiée en vol. L’autorité de supervision nationale, en Belgique la Direction Générale du Transport Aérien (DGTA) a ensuite approuvé celle-ci, permettant la phase de formation des contrôleurs aériens. Et enfin, il y a eu la publication tant attendue aux AIP.

Le 10 décembre 2015 restera comme une date importante, non seulement pour l’aéroport d’Anvers, premier utilisateur de la LPV en Belgique, mais aussi pour l’ensemble de la communauté aéronautique belge qui a collaboré pour aboutir à l’adoption de la technologie satellitaire dont les bénéfices s’étendront dans les mois prochains à d’autres aéroports, accroissant l’accessibilité et la sécurité de ceux-ci.

  Wim Verbist, Commandant de l’aéroport d’Anvers, Paul Hopff de Belgocontrol et Luk De Wilde, Président de l’Aviation Press Club.

Guy Viselé

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Guy Viselé

Pilote privé et Lieutenant-Colonel de Réserve de la Force Aérienne Belge, mais avant tout passionné d'aviation, il débute sa carrière chez Publi Air. Il passe ensuite vingt ans chez Abelag Aviation où il termine comme Executive Vice-President. Après dix ans comme porte-parole de Belgocontrol, il devient consultant pour l’EBAA (European Business Aviation Association). Journaliste free-lance depuis toujours, il a collaboré à la plupart des revues d'aviation belges, et a rejoint Hangar Flying en 2010.

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