Temploux, le 9 février 2019. L’aérodrome namurois accueille le Symposium annuel de la Fédération des Clubs Francophones de Vol à Voile (FCFVV). Le vol à voile en Wallonie compte 8 clubs regroupés au sein de la FCFVV créée en 1975 lors de la partition linguistique de la Fédération des Clubs de Vol à Voile datant de 1960. La Fédération représente tant les aéro-clubs (membres affiliés) que les pilotes licenciés (membres adhérents), vis à vis des autorités légales et sportives, pour défendre notamment l’espace aérien, les qualifications des pilotes …
Un rendez-vous annuel
Chaque année la FCFVV organise un symposium. C’est l’occasion pour ses membres de se rencontrer, d’aborder divers sujets relatifs à l’année écoulée et d’écouter des exposés sur divers sujets. L’édition 2019, la 14ème, revêt un caractère particulier car elle a lieu après une interruption en 2018 et se déroule pour la première fois à l’aérodrome de Namur. Souffrant d’une baisse d’intérêt dans le passé, la formule a été adaptée en fonction des remarques émises.
Une formule revue
Les coursives, salles de réunion et le bar de l’aérodrome étaient bien fréquentés en ce samedi. Si les exposés restent le menu principal de la journée, des sociétés spécialisées en matériel pour le vol à voile ont répondu à l’invitation de venir présenter leurs produits. La présence de « Glider Pilot Shop » (GPS, www.gliderpilotshop.com) permettra aux vélivoles de découvrir les dernières nouveautés en matière de matériel électronique. Le « Terlet Service Center » (www.sct-terlet.nl) aura l’occasion de présenter son offre de service de maintenance et de réparation, marché fort tenu en Wallonie par les sociétés allemandes. Le constructeur Schempp-Hirth expose son modèle Discus 2-18m FES à motorisation électrique qui malheureusement ne pourra être démontré en vol suite la météo défavorable.
Mais le symposium se doit avant tout d’être la vitrine de ce que fait la fédération pour ses membres et qui n’a peut-être pas été suffisamment mis en avant au cours des symposium précédents. L’accent a été mis cette année sur un sujet qui a mobilisé beaucoup d’énergie au cours des dernières années à savoir l’adaptation de l’activité aux normes imposées par l’ European Aviation Safety Agency (EASA, www.easa.europa.eu) en termes de sécurité et formation.
L’ATO 326
Jusqu’en septembre 2015 le vol à voile belge était totalement autonome et indépendant de la Direction Générale du Transport Aérien (DGTA) pour ce qui concerne la formation, les examens et la délivrance des licences et des certificats de navigabilité des planeurs. Ces privilèges, datant de 1957 quand la Direction de l’Aéronautique délégua à l’A.C.R.B. la gestion du vol à voile, sont progressivement repris par la DGTA depuis la mise en place des règles européennes (cfr. www.hangarflying.eu/).
Si chaque club garde son autonomie générale, toute la formation est aujourd’hui dispensée au travers d’un organisme de formation ATO agréé par la DGTA. L’« Approved Training Organisation » enregistrée sous le numéro ATO 326 est l’organe de formation fédéral que la FCFVV a créé en 2015 grâce au travail efficace d’une équipe de volontaires pour répondre aux règles émises par l’ EASA. L’ATO est ainsi habilitée à dispenser des formations théoriques et en vol allant de la formation initiale à l’extension à certaines qualifications supplémentaires e. a. le moto planeur ou la formation de ses instructeurs et celle des examinateurs. Toute formation suit aujourd’hui les procédures approuvées amplement décrites, standardisées, et identiques pour tous les instructeurs officiant sur quatre plateformes (EBNM, EBTY, EBTX et EBSH) au travers de leurs clubs respectifs. Des « mise à niveau » sont organisées régulièrement et leur sont accessibles. L’aspect sécuritaire est également renforcé, chaque incident ou accident devant faire l’objet d’un rapport et d’une analyse afin d’éviter une répétition. Il existe d’ailleurs des obligations légales de déclaration de certains types d’accidents.
Workshop instructeurs
L’ATO de la FCFVV entame sa quatrième année et le Symposium est l’occasion d’en faire le bilan. Il débute le matin avec une réunion de tous les instructeurs et examinateurs. A fin 2018, l’ATO 326 compte 67 instructeurs actifs (dont 23 sont également examinateurs et 26 ont obtenu la qualification supplémentaire instructeur TMG (« Touring Motor Glider »). La réunion est essentiellement axée sur le bilan « sécurité » des opérations avec une analyse des incidents et accidents relevés sur les quatre plateformes. Le bilan est très positif avec en moyenne une dizaine d’incidents souvent mineurs par plateforme en trois ans et sans aucun accident grave. Ce qui démontre que le vol à voile, même s’il comporte une part de risques comme tout sport aérien, reste une activité particulièrement « safe » si le risque est bien appréhendé et maitrisé. Mais un accident ou incident sera toujours un de trop et c’est donc l’occasion de rappeler que la sécurité est l’affaire de tous, que son maillon faible est avant tout humain et de « marteler » certains principes. Consciente de cet aspect sécuritaire, la FCFVV s’est fixé comme objectif en 2019 de voir tous les planeurs des clubs (pas simplement ceux utilisés dans le cadre de l’ATO) équipés avec le système de prévention des collisions « flarm » et d’en assurer le financement.
Le bénévolat
Le vol à voile est une des rares activités aériennes ou la formation repose sur le bénévolat et le dévouement des instructeurs, ce qui permet à cette discipline de rester financièrement abordable en écolage même si l’introduction des normes EASA et sa supervision par la DGTA a engendré une augmentation non négligeable des frais, ne serait-ce celui des licences et des examens. Ceci a amené la Fédération à prendre à sa charge le coût des redevances du renouvellement des licences d’instructeurs et examinateurs au terme du premier cycle tri-annuel. Un effort financier important mais qui justifie à lui seul la cotisation annuelle demandée à ses membres afin d’assurer la pérennité du vol à voile en Wallonie. Sans instructeurs, pas d’élèves, sans élèves plus de vol à voile à terme … des fois que d’aucuns penseraient que la fédération n’a aucune utilité ….
Comme la nouvelle saison s’annonce, c’est aussi l’occasion lors de cette réunion de « rafraichir » les connaissances en termes de validité ou de renouvellement des licences des pilotes auxquels les instructeurs doivent être attentifs.
Un bilan globalement positif
Un premier exposé par l’accountable manager de l’ATO 326 tracera pour l’assemblée le bilan des trois premières années sous le régime ATO. De fin 2015 à fin 2018, ce sont près de 530 formations qui ont été dispensées dont 386 formations initiales en vol, le solde consistant en extensions de qualifications dont principalement l’accès au TMG qui connait une croissance constante depuis son accessibilité aux pilotes de planeurs dans le cadre des règles EASA. Derrière cela il y a aussi des heures de formations théoriques (données en hiver), préparatoires aux examens pour l’obtention de la licence, des remises à niveau régulières (refresher) pour les instructeurs. Derrière chaque cours, il y a des heures de préparation, peu s’en rendent compte. Malheureusement, et c’est une constante depuis toujours (Willy Grandjean ancien président de la Fédération des Clubs de vol à voile en faisait déjà état en 1960), le nombre d’élèves ayant suivi une formation et/ou lâchés « solos » qui ne persévèrent pas reste très important puisque le taux d’abandon est estimé à près de 2 sur 3. Les raisons en sont multiples: disponibilité, famille, boulot, finances, « tourisme » de vacances, météo et contraintes plus fortes pour obtenir la licence mais ceux qui continuent sont de vrais passionnés. Ainsi sur les 386 formations initiales 38 ont débouché sur l’obtention de la licence soit SPL soit LAPL(S) et 75 sont en cours d’obtention.
Un autre sujet de préoccupation et de réflexion à mener est la population « vieillissante » des instructeurs dont le renouvellement est indispensable pour assurer la continuité dans le futur.
Vers une DTO
Des la mise en place des ATO, il est apparu que cette formule, que l’on croirait calquée sur la structure et le fonctionnement d’une grande compagnie aérienne ayant les moyens, était trop lourde en termes de contraintes administratives imposées pour des petites unités de formation comme les aéro-clubs ou autres écoles à caractère sportif ou de loisir. Sous la pression d’un lobbying intense de l’ Europe Air Sport (EAS) et de l’European Gliding Union (EGU), l’EASA a revu sa copie et développé la Declared Training Organisation (DTO, RÈGLEMENT (UE) 2018/1119 du 31/07/2018), une alternative basée non sur une approbation préalable de tout mais sur le principe de déclaration de conformité aux règles EASA reposant sur quatre principes: un contenu de formation validé, des moyens adaptés et un encadrement spécifique, une politique de sécurité et une traçabilité de l’activité. Ce système déclaratif présente des avantages significatifs car il n’impose plus d’approbation formelle par l’autorité dans pas mal de domaines et allège la charge administrative lourde des ATO et les délais. Le dossier de conversion de l’ATO 326 vers une DTO est en cours.
Le P4, Projet Pour Pilotes Paraplégiques
« From wheel chair to pilot seat » est le titre d’un exposé plein d’altruisme et d’espoir. L’orateur « on the floor » est Jean-Marie Degolla, un sympathique namurois paraplégique à la suite d’un accident en 1985, qui a découvert le vol à voile dans le cadre du projet P4 initié par le Royal Tournai Air Club. Grâce au soutien du Belgian Handflight Fund (www.handflight.be), la Fondation Roi Baudouin, et l’initiative Ecole P4 du RTAC il a obtenu sa licence de pilote de planeur, ce qui fait de lui, actuellement, l’unique pilote belge paraplégique à être devenu pilote de planeur sans jamais avoir piloté avant son handicap.
En 2010, le CA du RTAC lance le projet « P4 » (pour Projet Pour Pilotes Paraplégiques) et acquiert un ASK-21 pouvant être équipé d’un « malonnier » en kit, qui permet d’actionner la direction avec les mains plutôt qu’avec les pieds au palonnier d’où son nom. Les deux mains étant occupées, les aérofreins sont aussi crantés. Le club adapte également son infrastructure afin d’accueillir ses hôtes à mobilité réduite. L’investissement financier est lourd et c’est un pari « osé ». Un premier stage de la nouvelle école « P4 » du club tournaisien a lieu en 2011 avec 4 élèves et en 2012 un de ceux-ci, Hans Claes, devenu paraplégique à la suite d’un accident, récupère sa licence. En 2014 Jean-Marie entame sa formation et un second pilote, Nino Peeters, récupère lui-aussi sa licence perdue avec l’usage de ses jambes. Le 1er août 2015, soit exactement 30 années après son accident, Jean-Marie effectue son 1er solo et persévérant obtient sa licence 13 mois plus tard. Tellement heureux d’avoir pu vaincre l’adversité et d’avoir recouvré une certaine forme de liberté et d’autonomie Jean-Marie se démène pour promouvoir le concept P4 et ouvrir la voie à d’autres compagnons d’infortune. Une longue croisade ou le financement reste le nerf de la guerre. Si vous êtes malheureusement dans ce cas ou connaissez des personnes ayant ce handicap voulant apprendre à voler, n’hésitez plus et contactez le RTAC (https://tournai-air-club.eu/pilote-paraplegique-2/)
En novembre 2018, le CA de la FCFVV a créé une commission, présidée par Jean-Marie, enthousiaste et à l’énergie communicative, afin de favoriser l’accès du vol à voile aux personnes paraplégiques ou qui ont des difficultés de mobilité des jambes.
Activités d’enseignement et de recherche autour du planeur à l’UC Louvain
Le professeur Philippe Chatelain de l’UCL et son équipe sont actifs dans la division « thermodynamique et mécanique des fluides » de l’UCL qui regroupe 5 professeurs et 30 chercheurs. Etant membre de l’Aéro-club de l’Université de Louvain, il est familier des ascendances thermiques qui permettent aux planeurs de tenir en l’air et de parcourir des distances de plus en plus longues. Si le pilote de planeur se demande comment les ascendances se structurent et évoluent, l’ingénieur se fait fort de les simuler. Rien de plus normal en tant que chercheur de combiner les deux et de voir comment appliquer ces expériences aux études actuellement en cours sur les énergies éoliennes et le vol en formation tel que pratiqué par les oiseaux migrateurs. Les éoliennes sont de plus en plus grandes et les parcs de plus en plus denses subissent les dynamiques de l’atmosphère qui peuvent en réduire le rendement. Que peut apporter l’étude des thermiques en simulation numérique ou l’étude des vols en formation dans l’implantation des parcs éoliens et quels enseignements pourraient s’appliquer en retour au vol à voile de demain, c’est tout le sujet de l’exposé très pédagogique que de jeunes chercheurs du professeur feront à une assemblée captivée. Ce fut aussi l’occasion de montrer les essais du Ka21 de l’ACUL pour des expériences en « zéro gravité ».
Fly XC Tools un logiciel de consultation des NOTAMs en temps réel
Wim Verhoeven est un parapentiste confirmé qui, comme les pilotes de planeur, ne suivra pas forcément la route prévue en fonction de l’évolution de la météo. Toutes les aviatrices et tous les aviateurs qui préparent un voyage sont censés consulter les « NOTAMs » journaliers, les messages aux navigants aériens. Qu’y trouve -t-on ? De tout et de rien mais beaucoup de choses qui ne concernent peut-être pas directement le pilote pour son voyage p.ex. des infos sur des aérodromes signalant un obstacle, une lampe déficiente, des déviations par rapport aux AIP, la création de zones temporaires, l’activation de zones etc… Seules certaines informations qui concernent l’espace aérien sont utiles pour un parapentiste qui en vol peut être amené à se détourner sans possibilité de vérifier si telle ou telle zone est devenue active p. ex. d’où l’idée de Wim de développer une application GPS consultable en vol en temps réel, qui ferait un certain « tri » des infos utiles, ce qui est forcément difficile vu la diversité des infos en contenu et provenance
L’outil « Fly XC Tools » développé par le GdT EA (www.flyxc.tools/en/) est un système mis gratuitement à la disposition des pilotes de parapente afin de leur permettre de se concentrer sur l’information NOTAM importante pour eux. Le système vise les objectifs suivants:
- Avant le vol: fournir un accès facile aux informations NOTAMs spécifiquement importantes pour le parapente (activations des zones ‘activables’) afin de permettre aux pilotes de mieux préparer et planifier leurs vols.
- Pendant le vol: fournir des fichiers dans des formats communs, pour les GPS utilisés par les parapentistes, combinant l’information de l’AIP et des NOTAM.
- Après le vol: garder une traçabilité de l’activation des zones et des NOTAMs afin de pouvoir valider des vols pour que les pilotes puissent apprendre de leurs erreurs.
L’outil est toujours en plein développement de fonctionnalités nouvelles (mais souffre d’un manque de développeurs bénévoles) mais peut se révéler intéressant pour le vol à voile.
Challenges et Coupe Charron 2018
La « Coupe Charron » est la compétition permanente de la FCFVV qui honore la mémoire de Pierre Charron, le charismatique moniteur français qui a marqué de son empreinte le vol à voile belge à ses débuts (cfr. www.hangarflying.eu) qui s’accompagne de divers challenges. Les prix sont offerts par la compagnie d’assurances spécialisée Aviabel et remis par Mme Ariane Vandevelde, bien connue dans les milieux vélivoles.
Les lauréats 2018 sont:
Challenge féminin: Virginie Turc (ACUL)
Challenge jeunes: Alexandre Merlot (ACUL)
Challenge Interclubs: ACRA
Challenge Open: Johan Luyckx (RVA)
Coupe Charron -classement général: François Delfosse (ACUL).
Le Symposium se termine par le verre de l’amitié à la satisfaction apparente des nombreux participants, pilotes et invités, même si certains points sont sujets à amélioration bien entendu. Un grand regret cependant est le manque de jeunes pilotes présents.
Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour l’année prochaine. Merci à l’équipe en particulier Patrick Stouffs et Laurent Marenne qui l’ont organisé.
Bob Verhegghen