Saint-Hubert, le 29 juin 2019. C’est dans le cadre de l’animation « aérodrome en fête » que le premier prix Ernest Demuyter (2018) a été remis par l’Aéro-club Royal de Belgique au nom de la fondation Albert et Lydia Demuyter. Cette fondation créée par les enfants du célèbre aéronaute octroie, sur recommandation du conseil d’administration de l’Aéro-club Royal de Belgique, à un aéronaute belge méritant ce trophée remis en jeu tous les trois ans.
Patrick Libert, le premier lauréat
Le prix Ernest Demuyter a été instauré par la fondation du même nom en 2018 et décerné pour la première fois le 29 juin 2019. Le récipiendaire de cette prestigieuse récompense est le sympathique Patrick Libert, passionné d’aérostation, connu comme promoteur, pilote et constructeur de montgolfières, mais aussi aux compétences appréciées dans le domaine des ballons à gaz.
Patrick Libert a fait son premier vol en ballon en 1969, il est devenu pilote de ballons à air chaud en 1980 et détient un brevet de pilote de montgolfière depuis près de trente ans. Mais Patrick Libert est également fabricant de montgolfières: le seul et unique en Belgique et dont le savoir-faire en matière de construction de ballons est reconnu par l’EASA. Patrick Libert joue donc dans la cour des grands constructeurs de ballons à air chaud au sein de l’Union européenne.
Patrick Libert a construit sa première montgolfière d’un cubage de 2.200 m³ en 1995 et, à ce jour, en a produit une centaine, essentiellement de moyen cubage (aux alentours de 2.000 m³) mais il s’est aussi attaqué à des ballons nettement plus grands ou… plus petits. Le plus imposant des ballons à air chaud qu’il n’ait jamais construit cubait 7.800 m³; ce mastodonte était destiné à survoler le désert de Namibie dans le cadre d’une mission en Afrique Australe. En vertu de l’adage « qui peut le plus, peut le moins », Patrick Libert a aussi commis un mini ballon à air chaud qualifié de kit ou de baladeur; celui-ci s’accrochait comme un parachute dans le dos de l’aéronaute. Son pilote n’était autre que Claude Van Hoorebeek qui, un jour de janvier et par un froid sibérien à la fin des années 1980 a battu le record du monde de durée dans sa catégorie.
En présence de la famille et de nombreux amis, Monsieur Berlo, vice-président de l’Aéro-club Royal de Belgique et vice-président de la Fédération Aéronautique Internationale a présenté la Fondation Albert et Lydia Demuyter établie à la mémoire de grand aéronaute qu’était leur père. Il a aussi félicité Patrick Libert, le premier lauréat du prix Demuyter. Jean-Michel Fobe, vice-président de l’Aéro-club Royal de Belgique, a fait un exposé sur cette institution dédiée à la promotion et au développement des sports aériens au plan national autant qu’international, et ce depuis plus d’un siècle.
Héros national et aéronaute de renom international
Ernest Demuyter naquit à Gand le 26 mars 1893 et s’intéressa très jeune à l’aviation et à la navigation en ballon à gaz car, dès 1910 et à l’âge de dix-sept ans, il obtint sa licence d’aéronaute. Il suivit des cours de pilotage d’avion dès 1912 à l’école De Brouckère et se vit octroyer le brevet civil belge de pilote d’avion numéro 57 le 30 juillet 1912. Mais ce qui hantait ce jeune homme intrépide, c’était le vol en ballon à gaz et, comme cela s’avéra dans la suite, Ernest Demuyter était un aéronaute surdoué. Il participa à la coupe Gordon Bennett pour la première fois en 1912; Il prit à nouveau part à cette course réputée de distance en ballon libre en octobre 1913. C’est par sa participation couronnée de succès à deux compétitions en France qu’il développa une espèce de sixième sens de la météorologie et de la navigation en ballon libre, mais la guerre de 1914-1918 empêcha la poursuite de toute épreuve du genre.
Il servit à l’armée belge mais rejoignit la France pour y obtenir une licence de pilote de ballon dirigeable en 1916, suite à quoi il fut enrôlé à la marine française comme pilote de dirigeable. Il fut réintégré à l’aviation militaire belge en 1917 en tant que pilote d’hydravion. Blessé au combat en 1918, il fut retiré du front et finalement démobilisé le 30 septembre 1919. Son retour à la vie civile fut mis à profit pour terminer sa licence en sciences commerciales, maritimes et aéronautiques et, bien entendu, goûter à nouveau la griserie de la navigation en ballon libre.
Il participa et remporta le très convoité trophée Gordon Bennett en 1920, 1922, 1923 et 1924, ces trois dernières victoires d’affilée valaient l’attribution définitive du premier trophée à la Belgique. Ces succès furent obtenus à bord de ballons sphériques baptisés Belgica. Il remporta encore le XIème grand prix des sphériques de l’Aéro-club de France le 14 mai 1922. Le « Belgica for ever » de 600 m³ lui permit à nouveau de prendre la première place à la coupe Aumont Thiéville disputée en France. Une souscription nationale orchestrée par le quotidien L’Etoile Belge permit à Ernest Demuyter de devenir le propriétaire du ballon SABCA immatriculé O-BBEF le 12 mars 1923; c’est avec celui-ci qu’il décrocha définitivement (en juin 1924), le très couru trophée Gordon Bennett en argent massif. C’est à bord du sphérique immatriculé OO-BFM lui appartenant qu’Ernest Demuyter triompha lors de la coupe Gordon Bennett de 1935.
Ernest Demuyter de lança dans la politique en 1938 en tant que conseiller communal à la Ville de Bruxelles. Il fut élu député le 14 novembre 1939.
Il fut également l’un des membres fondateurs de l’association « Les Vieilles Tigres de Belgique » en 1937 et en fut administrateur de 139 à 1941. Il fut arrêté par les Allemands en 1940 pour faits de résistance et condamné à mort. Il parvint cependant à s’échapper de leurs griffes et rejoignit la Suisse en 1942.
Ernest Demuyter est l’auteur du livre « La Navigation Aérienne et les Randonnées Victorieuses du Belgica » édité par Expansion Belge vers le Levant (Bruxelles 1925) et « Belgica » aux Editions France-Empire (Paris 1961).
Ce Belge et sportif de grande stature assistait assidûment aux sessions de la Chambre des représentants et c’est au cours de l’une d’elles qu’il décéda inopinément le 7 février 1963.
Jean-Pierre Decock