Bruxelles, 28 décembre 2020. En fouillant dans mes archives, je tombe sur des diapositives de Douglas DC-6B des années soixante du siècle dernier. Aussitôt, celles-ci ravivent plein de bons souvenirs liés aux débuts des avions charter à destination de vacances ensoleillées.
En Douglas DC-6B aux Baléares
C’était en septembre 1968, les charters étaient le vecteur de nouvelles vacances au soleil qui, dès lors, glisseraient de la Côte d’Azur vers l’Espagne, principalement la Catalogne. Faire le trajet par la route depuis la Belgique était fastidieux, mais les avions charter ramenaient de tels voyages dans une enveloppe de temps plus acceptable et plus confortable. L’exotisme des touristes se déplaçait vers les îles Baléares ou l’extrême sud de l’Espagne. Ils favorisaient également les vacances dites « all inclusive ». L’année 1968 fut particulière à plus d’un titre, entre autres par les folles journées de mai 1968 en France: souvenez-vous des slogans folkloriques ou innovants scandés par les étudiants de la Sorbonne comme, par exemple: « sous les pavés la plage » ou « l’imagination au pouvoir » (pour ne citer que ces deux-là). J’avais donc décidé de prendre des vacances au soleil et à la plage (sans les pavés!).
Les charters de l’époque étaient essentiellement des avions de ligne qui étaient remplacés, depuis le début des années 60 par des jets liners au vol plus rapide et plus confortable pour les passagers. C’est ainsi que je découvris le DC-6B doté d’un radar météo dans le nez et capable d’emporter quelque quatre-vingt passagers sur des distances relativement longues. Il fallait plus de trois heures depuis Bruxelles pour rallier l’île de Majorque, perle de l’archipel des Baléares. Le vol était confortable, malgré les effets typiques des liners propulsés par moteurs à pistons: vibrations, fort bruit de fond et saccades intermittentes qui donnaient l’impression que les moteurs étaient à la recherche d’un second souffle pour entraîner les hélices. Néanmoins, en tant que jeune passionné d’aviation (fondateur quinze ans plus tôt d’une « section scolaire de propagande aéronautique »), je savourais intensivement le vol à bord des DC-6B immatriculés OO-CTN et OO-CTK lors du vol aller et du vol retour. Ceux-ci avaient été immatriculés respectivement en mars 1954 et en mai 1953 et furent radiés du registre belge en septembre 1971 et en novembre 1973.
A Malaga en Britannia
En 1969 les vacances étaient à destination de la Costa del Sol (Espagne Méridionale) et, cette fois-ci, le charter était un Bristol 175 Britannia de construction britannique relativement récente. « The whispering giant », comme il fut surnommé, parce que capable d’amener une centaine de passagers et motorisé par des turbopropulseurs. De ce fait, l’avion ne vibrait quasiment pas et volait à une altitude où l’inconfort créé par les remous des masses nuageuses turbulentes était pour ainsi dire inexistant.
Les Britannia charters étaient opérés par Air Spain, une compagnie de transport charter et cargo espagnole créée en 1963 et qui fut dissoute une dizaine d’années plus tard, notamment à cause de la crise pétrolière de fin 1973.
Je me souviens plus particulièrement du rush des touristes à l’embarquement, car peu avaient une expérience pratique du voyage en avion et pensaient, à l’instar du train, que si on ne se grouillait pas pour occuper un siège, on était condamné à faire le trajet debout!
Lors du vol aller en septembre 1969, à l’atterrissage à Malaga, je me souviens avoir vu de l’autre côté de l’aérodrome, des rangées de bombardiers Heinkel 111 de l’aviation militaire espagnole toujours opérationnels regroupés pour les prises de vues du film « La Bataille d’Angleterre » qui devait sortir sur grand écran début 1970… Par contre, lors du vol retour, nous devions faire une escale à l’aéroport de Cadix pour prendre à bord un complément de touristes. Pendant le temps d’immobilisation de notre avion, je me souviens avoir vu une vingtaine de Junkers Ju52/3m sagement alignés et toujours utilisés par les parachutistes espagnols.
Début des années 70 toutefois, les charters à turbopropulseurs furent progressivement relégués au transport de fret, la clientèle des charters les dédaignant au profit des avions de ligne à réaction.
A Calvi en Viscount
En 1971, les vacances étaient à destination de la Corse, « l’île de beauté » qui n’a pas usurpé son nom. L’avion fut choisi pour rallier Calvi au nord-ouest de l’île, sans charter mais bien par ligne régulière Air Inter, la compagnie intérieure française de transport aérien.
Embarqué à Lille-Lesquin, à une vingtaine de kilomètres de la frontière belge, nous devions rallier Lyon et, de là, Nice et enfin Calvi, toujours avec le même appareil. Partis à dix heures du matin, nous étions à Calvi à cinq heures du soir. L’avion était un Vickers Viscount type 708 quadri-turbopropulseur pouvant emporter une quarantaine de passagers. Le Viscount était le premier avion de ligne au monde à être motorisé avec des turbopropulseurs. Silencieux et rapide, cet avion de ligne court/moyen courrier était particulièrement confortable et rapide en vol. J’ai gardé un excellent souvenir de cette expérience aérienne vécue à bord des Viscount immatriculés F-BGNQ et F-BGNP initialement chez Air France en 1953. Ils avaient connu une vie très active avant leur cession à Air Inter où ils furent remplacés par des Caravelles biréacteurs.
En résumé
Avec une cinquantaine d’années de recul, je me rends compte que, sans le vouloir, j’ai pu voler à bord d’avions, à présent devenus des « classics », peu avant leur chant du cygne. C’était une chance qui ne se représenterait plus, mais qui demeurerait un de mes meilleurs souvenirs, foi de spotter!
Jean-Pierre Decock