100 bougies pour la SABCA (1ère partie 1920-1940)

La flotte de la SNETA est assez hétéroclite. Ici le DH-9 « cabine » O-BELG.

Bruxelles, 5 février 2020. Mr. Thibauld Jongen, CEO du groupe SABCA, annonce que Dassault Belgique Aviation SA (DBA,) actionnaire majoritaire depuis la fin des années soixante de la de Société Anonyme Belge de Constructions Aéronautiques SA (SABCA,) va céder sa participation de 96,85% à une joint-venture entre Sabena Aerospace SA et la Société Fédérale de Participations et Investissement (SFPI) pour un montant total de 74.571.676,67 €. Ainsi, la prestigieuse société aéronautique belge redevient entièrement belge, avec plus de 50% de capitaux publics.

C’est l’occasion de jeter un regard sur la longue et riche histoire de la SABCA qui fêtera son centième anniversaire dans le courant de décembre de cette année. Entre les années folles d’ambition et de créativité, les périodes de crise, les années d’éclipse durant la guerre et l’ ordre mondial chamboulé d’ après-guerre, c’est une histoire passionnante sur fond de toutes les crises économiques et surtout politiques qu’a connu le pays. Il serait trop long d’en développer toutes les arcanes, ce que certains auteurs on fait dans plusieurs ouvrages remarquables (dont le lecteur trouvera les références en fin d’article) mais ce centenaire mérite qu’on s’y attarde un peu plus que d’habitude dans un article d’Hangar Flying. Nous y consacrerons deux parties, l’ avant et l’ après-guerre.

SNETA, CENAC, SABENA, SABCA… une histoire liée, une histoire d’hommes

Premier-élève pilote militaire, Georges Nélis obtient sa licence de pilote de la Fédération Aéronautique Internationale le 21 décembre 1910 et devient officiellement le premier « aviateur-militaire » le 25 septembre 1910.

L’aviation a acquis ses lettres de noblesse durant le premier conflit mondial et apparait plus que jamais comme indispensable pour le développement du Royaume. La Belgique sort de la guerre, certes victorieuse, mais fort meurtrie. Elle est consciente de sa très grande dépendance vis-à-vis de ses alliés et de son retard en matière aéronautique. Dès l’armistice, le 15 janvier 1919, Georges Nélis, chef des services techniques de l’Aéronautique Militaire durant la guerre, publie un petit livre « L’Expansion Belge par l’Aviation » qui ne passe pas inaperçu. Cette plaquette de 46 pages voit sa diffusion « orchestrée » grâce au journaliste Victor Boin et avec le concours de la revue « La Conquête de l’Air ». Visionnaire, Georges Nélis, y conçoit un programme pour créer une industrie aéronautique autonome et doter la Belgique d’un réseau de transports aériens.

A l’initiative de William Thys, directeur de la Banque d’Outremer, est constitué un syndicat d’études, la SNETA (pour « Syndicat National d’Etudes des Transports Aériens »). Constitué de Georges Nélis, Albert Marchal et Robert Thys, frère de William, ingénieur et administrateur de la compagnie du chemin de fer du Congo, le syndicat peaufine la réflexion sur le devenir des transports aériens et de la construction l’aéronautique dans notre pays qui est alors en pleine crise économique. Le 11 novembre 1919, fort de l’appui du Roi Albert 1er, du gouvernement et de personnes influentes du monde économique, ce qui n’était au départ qu’un syndicat ou groupe de réflexion sur le développement théorique des transports aériens est « capitalisé » et se mue en la société anonyme SNETA, la Société Nationale pour l’Etude des Transports Aériens. 

La SNETA est créée avec le soutien financier des grands établissements financiers du pays tels la Banque d’Outremer, la Société Générale, la Banque de Bruxelles, la Banque de Paris et des Pays-Bas ainsi que le puissant holding colonial Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie (CCCI) qui démontre l’intérêt des milieux coloniaux. Ce sont tous de grands noms aujourd’hui disparus faut-il le remarquer! Albert Marchal, ingénieur et administrateur de la Banque d’Outremer en est le président du Conseil d’administration et Georges Nélis en est le directeur. Au C.A., outre les banquiers, siègent de nombreux ingénieurs représentant d’autres sociétés actionnaires intéressées.

Sans attendre, de très nombreux vols de vulgarisation sont effectués pour promouvoir l’aviation, Une série de liaisons aériennes en Europe et au Congo belge est établie. La SNETA emploiera pour ses lignes aériennes plus d’une vingtaine d’avions, dont des prises de guerre, en attendant du matériel plus moderne.  7 avions de sa flotte seront malheureusement détruits par incendie le 27 septembre 1921 sans compter 11 crashs la même année. En juin 2019 est créé le CENAC, le « Comité d’Etudes pour la Navigation Aérienne au Congo » qui travaillera sur le développement de lignes aériennes au Congo en collaboration avec la SNETA. Parallèlement la SNETA élabore le programme destiné à doter le pays d’une industrie aéronautique chargée de répondre tant aux besoins civils que militaires du pays. Pour remplir cette mission elle créée la SABCA, une filiale constituée par acte notarié le 16 décembre 1920. Considérant sa mission d’étude de l’aviation commerciale suffisante, la SNETA suspend ses opérations aériennes le 1er juin 1922. Avant de s’effacer définitivement quelques années plus tard, elle fonde en 1923 la SABENA qui accordera statutairement à son autre filiale, la SABCA, le monopole pour la fourniture et l’entretien du matériel de la nouvelle compagnie (une décision qui ne sera pas sans conséquences judiciaires quelques années plus tard pour ses dirigeants traduits en correctionnelle). La SNETA, la SABCA et la SABENA forment ainsi une holding dont le montage financier permet de dégager des dividendes pour la maison mère et les banquiers. Aux commandes des trois sociétés nous retrouvons les mêmes pionniers, Albert Marchal, Georges Nélis et Robert Thys,

La SNETA aura jeté les bases d’une politique aéronautique ambitieuse qui ne durera malheureusement qu’une bonne dizaine d’années.

Sous les cocardes ….

La SABCA est fondée sans participation de l’Etat dans le capital. Elle acquiert à Haren près du terrain d’aviation, un terrain de 3 hectares et entame immédiatement la construction des ateliers de 18.000m² de surface. Ceux-ci sont opérationnels dès le second semestre de 1921 et la société occupe rapidement 161 personnes, un effectif qui a doublé en 1923 en atteignant alors 450 personnes. 

Lors de sa création, l’Aéronautique Militaire lui a confié suffisamment de travaux d’achat, révisons et réparations pendant 5 années pour assurer un démarrage de l’activité. Ce n’est donc pas une surprise si les travaux démarrent avec la révision des Spad XIII et autres appareils militaires. En 1922, l’activité décolle avec la construction sous licence des DH-9 et des MS AR 35 Ep2 pour les militaires.

L’Aéronautique Militaire alimente le cahier des charges avec son rééquipement en avions construits sous licence: 29 De Havilland DH-9 en 1922-1923, les Ansaldo A-300/4 dont 45 appareils sont construits entre 1923 et 1926 ainsi que 28 Avro 504 K entre 1924 et 1927. Toujours en 1923, une commande de 108 chasseurs Nieuport 29 C1 avec son fuselage monocoque en bois met en avant la maitrise de la jeune société dans cette technique très difficile à mettre en œuvre. L’approche est déjà écologique avec un atelier d’une cinquantaine de machines à bois qui évacuent automatiquement les copeaux qui sont récupérés pour le chauffage des installations!

En 1925 la SABCA construit sous licence 15 DH-4, appareil déjà largement dépassé ainsi que  quarante Bristol fighters F.2b Mk IV qui complètent les exemplaires de ces deux types d’avions acquis des surplus anglais juste après la guerre. 

39 Avia BH 21 seront construits par la SABCA entre 1927 et 1928.

Entre 1927 et 1928 l’Aéronautique Militaire commande 44 avions tchèques Avia BH 21 dont 39 sont construits sous licence. La SABCA s’essaie à la sous-traitance, confiant la construction de 5 exemplaires à la SEGA (Société d’Etudes Générales d’Aviation) située à Gosselies.

C’est dès 1924 que la firme est appelée à construire ses premiers avions commerciaux. La SABENA lui confie d’abord la production de 4 bimoteurs Handley-Page W.8b et 10 trimoteurs W.8f destinés à remplacer une flotte hétéroclite devenue obsolète de 14 avions cédé par la SNETA en 1923, C’est sur un de ces appareils (O-BAHO baptisé « Princesse Marie-José ») que l’as de la grande guerre, Edmond Thieffry, accomplira sa mémorable liaison Bruxelles -Léopoldville (Kinshasa) en 73h31 min de vol effectif. Ce raid de 8.124 kms sur 7 semaines du 12 février au 3 avril 1925 ouvrira une nouvelle voie vers la colonie. Trois DH-9 sont modifiés avec cabine pour le civil, suivis en 1925 par trois DH-50A destinés à la SABENA et modifiés spécialement pour un usage au Congo. La construction de ces avions apportera une expérience appréciable dans la modification d’appareils existants au point de vue cellule et motorisation. 

Les constructions métalliques

Même si elle s’est créé une expertise dans le bois et la toile, la SABCA n’en n’est pas moins attentive aux évolutions technologiques et s’intéresse dès 1923 aux constructions métalliques qui apparaissent chez divers constructeurs. Cette nouvelle technologie présente de nombreux avantages sur le traditionnel bois. Dès 1925 la SABCA décide d’investir dans un outillage adéquat pour la construction de cellules métalliques. Il est opérationnel au milieu de 1926, permettant d’honorer une première commande de15 Breguet XIX métalliques pour l’armée. Cet avion s’avère supérieur en vitesse à tout ce qui est en usage à l’Aéronautique Militaire en ce compris les chasseurs Ni 29 et Avia BH 21. Au total 146 avions Breguet XIX de diverses versions, de reconnaissance et de bombardement, seront construits de février 1928 à 1930. Plusieurs Breguet modifiés serviront pour des raids vers le Congo dont le « Reine Elisabeth » de l’équipage du Lieutenant Georges Médaets qui rééditera l’exploit de Thieffry en mars 1926.

C’est aussi à la fin des années vingt que la SABENA fait le choix du Fokker F VII/3m. La SABCA obtient une commande de construction sous licence de 28 appareils d’octobre 1929 à novembre 1932. Un 29ème sera construit pour les militaires, rejoints par 7 exemplaires cédés par la SABENA avant la deuxième guerre. Ce trimoteur allait permettre d’établir une liaison régulière entre la Belgique et le Congo mais sera aussi au centre d’une polémique sur le « monopole de la SABCA » sur laquelle nous reviendrons ci – après.

Le Breguet XIX de construction métallique.
Le trimoteur Fokker F VII/3m OO-AID entre en service à la Sabena le 20 septembre 1929.

Parallèlement à la production en série d’avions étrangers sous licence, la SABCA poursuit également une politique de prototypes. Le plus remarquable est le Renard Epervier, conçu par l’ingénieur Albert Renard, 1er avion métallique belge. C’est un chasseur monoplan parasol entièrement en duralumin dont deux exemplaires prototypes seront construits, un par Stampe et Vertongen à Anvers et un par la SABCA à Haren. Il est aligné en concours pour la dotation de l’Aéronautique Militaire à Evere en janvier 1930 face aux Dewoitine D-27 et Morane-Saulnier MS-222. Malgré ses qualités l’Epervier est évincé et le marché est enlevé par le « « Firefly » de Fairey Aviation, établie à Gosselies, qui le présente hors concours. La SABCA n’a pas que des amis auprès des décideurs politiques. Le monoplan S.2, étudié pour compte de la SABENA, destiné à l’étude comparative des avions en bois et métal sur le réseau colonial, restera au stade de prototype. Le SABCA S3, qui devait être un bombardier trimoteur, n’alla pas plus loin que la planche à dessin mais servit de base au trimoteur S.11 répondant à un concours du Gouvernement belge pour un trimoteur civil. Le S.11 ayant subi des retards de développement ne volera qu’en juillet 1931 et le seul exemplaire sera délaissé. 

Diversification: des ballons aux planeurs et aviettes aux hélices et moteurs 

Mais l’activité de la SABCA ne se limite pas aux avions militaires et/ou à l’aviation commerciale construits sous licence mais s’étend aussi à l’aviation générale, planeurs et ballons. Elle s’aventure en effet dès le début dans la construction de prototypes d’avions légers et planeurs. 

A sa création elle a hérité des actifs de la société « AVIA » en liquidation et crée un « parc aérostatique » à Koekelberg de 1920 à 1927. On y construit essentiellement des ballons captifs « Caquot » pour la défence ainsi que des ballons à gaz chaud dont le plus connu est le « Belgica » qui permet à Ernest Demuyter de gagner la Coupe Gordon-Bennett 3 années consécutives de 1922 à 1924.Tout comme son expertise dans le travail du bois, la maitrise du travail des toiles pour avion et leur imperméabilisation contribue à la réputation grandissante de la jeune société. 

A la fin de la guerre, Paul Poncelet, passionné par les avions déjà avant la guerre, est contremaitre de l’important atelier bois de la SABCA. Il construit un petit planeur monoplace chez lui en huit mois avec les moyens du bord et reçoit le soutien de la SABCA qui encourage les initiatives créatrices de ses employés. Baptisé « Castar », son premier vol, catapulté par sandow, a lieu en mars 1923 chez SABCA Haren aux mains de Victor Simonet. 

Vauville, sur la côte normande près de Cherbourg, qui dispose de très hautes dunes, est alors considérée comme le berceau du vol à voile. L’Association Française Aérienne (A.F.A) y organise un « congrès expérimental » avec diverses épreuves depuis 1922 (durée, hauteur, instruments, maquettes et prix spéciaux dotée de beaux prix). Victor Simonet y aligne le Castar en catégorie « aviette » puis en catégorie « planeur » (à la suite d’une casse moteur lors du vol de convoyage vers la Normandie). Il y collectionne les trophées (1er prix de durée cumulée avec 23h25 min de vol et 1er prix d’altitude avec 295 m). Ce planeur évoluera en motoplaneur par l’adjonction d’un moteur SERGANT. Suivra le SABCA-Poncelet Vivette avec le commandant Massaux qui établira un record du monde de durée de 6 heures 19 minutes et un vol plané de 52 minutes au congrès AFA de 1925. Cet appareil est aujourd’hui exposé au Musée de l’Air de Bruxelles après sa restauration à l’occasion du 75ème anniversaire de la société. D’autres planeurs ou moto-aviettes (planeurs motorisés) seront construits pas la SABCA. Citons le Jullien SJ.1 qui failli être construit en série et le SJ.2 dessinés le jeune ingénieur parisien Henri Jullien engagé comme chef de production à la SABCA débutante, le « de Glymes Colanhan » étudié et réalisé par Raoul de Glymes, le responsable qualité de la société et le SABCA Junior planeur-poutre inspiré du Zögling allemand.

Les succès engrangés à Vauville mais également dans d’autres concours internationaux et les encouragements des autorités et des aéro-clubs poussent Paul Poncelet et l’ingénieur Mathieu Demonty, directeur de SABCA, à concevoir en 1924 le SABCA-DP, un avion biplace côte à côte aux caractéristiques de confort d’une limousine et aux ailes repliables.
Au concours de Vauville de 1925 la Belgique participe avec 7 machines dont 5 SABCA de différents types (3 planeurs et 2 aviettes). Le SABCA DP remplit sans défaillance le programme imposé et remporte plusieurs épreuves. Malheureusement la compétition est marquée par le décès de Victor Simonet qui s’écrase lors de l’épreuve de durée dans un grain à la suite d’une rupture de cable. La mort de Simonet et la montée en régime des constructions militaires et commerciales amenèrent la SABCA à revoir ses priorités et ne pas aller plus loin dans cette voie. En 1928 les belges ne seront plus présents à Vauville, où les allemands occupent désormais la plus haute marche.  

Dans la recherche de diversification, la SABCA conçoit l’hydroglisseur SABCA Type 1500 destiné à la SABENA pour un usage sur le fleuve Congo.

D’autres axes de diversification seront tentés. En 1924, lors d’un creux d’activité, la SABCA cherche à mettre à profit son expérience du travail du bois en construisant des canoés, des panneaux décoratifs et même un hydroglisseur, le SABCA Type 1500 destiné à la SABENA pour un usage sur le fleuve Congo. Toutes ces initiatives ainsi que d’autres assez hétéroclites sont vite abandonnées. La construction de moteurs Jupiter, Titan et Mistral sous licence Gnome-Rhône débutée en 1927, sera abandonnée dès 1930 vu le faible volume à la fin de la construction des Fokker F VII/3m et à la suite du choix des Fairey Firefly et Fox équipés de moteurs Kestrel. Elle aura aussi une division « hélices », principalement en bois qui tournera de 1922 à 1936.

Les années vingt ont été prospères et la SABCA a beaucoup évolué tout en se maintenant à la pointe des évolutions technologiques. Mais la politique s’en est mêlée et avec une saga économico-politique en toile de fonds, les dix premières années n’ont pas été un long fleuve tranquille. De plus, Georges Nélis s’est éteint le 2 mars 1929 et sa succession s’avère difficile, le marché pour le remplacement des chasseurs de l’Aéronautique Militaire a été perdu au profit de Fairey, son concurrent établi sur ses terres. Ce n’est donc pas sans raisons qu’elle aborde les années trente avec incertitude, voire inquiétude.

Sur fond de querelles politiciennes, fin de 10 années glorieuses et début des années de crise 

« L’Etat constate l’absence totale, en Belgique, à l’heure actuelle, de toute industrie aéronautique susceptible de l’affranchir au plus tôt de la dépendance de l’étranger, dépendance incompatible avec les nécessités de la défence nationale ». C’est en ces termes qu’était introduite la convention entre l’Etat et la SNETA en 1919. Dix années plus tard, cette profession de foi est battue en brèche car dès 1924 des voix se sont élevées reprochant à la SNETA de s’enrichir sur le dos du contribuable par des prix surfaits au travers de ses filiales. La SABCA et ses dirigeants font l’objet de vives critiques de certains députés sur les coûts élevés et se voient reprocher un manque d ’innovation. C’est un conflit qui connaitra son apogée lors de l’achat des Fokker F VII/3m et leur construction sous licence. Les attaques sur le monopole attribué par la SABENA à la SABCA et la condamnation d’Albert Marchal en tant que président du C.A. de la SNETA, SABCA et SABENA pour « faux bilans » amèneront ce dernier à démissionner de la Présidence du C.A. de la SABCA en 1933. Cette année 1933 est également un tournant car de nombreuses passations de pouvoir ont lieu à la tête de l’Aéronautique Militaire et de la SABENA. 

Le 10ème anniversaire le 20 décembre 1930 est l’occasion de rendre hommage à Georges Nélis en présence de personnalités et du personnel. Celui-ci ne compte plus qu’un peu plus de 400 personnes. 300 collaborateurs ont dû être mis à pied progressivement faute de commandes tout en maintenant la paix sociale. D’autres société aéronautiques se sont créées qui font face aux mêmes difficultés mais qui n’en sont pas moins des concurrents: Stampe et Vertongen à Anvers, Avions Renard à Haren. Les Ateliers de Constructions Aéronautiques belges L.A.C.A.B est fondée en 1933 dont son « core-business » est un bureau d’études, se lance à la suite d’un appel d’offre militaire dans la conception du GR.8, un bombardier biplan qui n’ira pas loin. SEGA loue ses locaux de Gosselies à la nouvelle « Société Belge des Avions Fairey », filiale belge de Fairey England créée pour honorer le contrat des Fairey Firefly. Ce sera pour les années à venir son principal concurrent. qui occupe déjà 350 personnes en 1934. 

C’est aussi une époque qui voit la chasse aux talents se développer. Afin d’étoffer son bureau d’études la société cherche à s’adjoindre les services d’Alfred Renard qui souhaite néanmoins garder son indépendance. La SA « Renard Constructions Aéronautiques » servira de bureau d’études dans un accord de collaboration qui débouchera sur la production de 26 Renard R31 par la SABCA en 1935-1937. Des ingénieurs comme Mathieu Demonty, Henri Jullien, Paul Poncelet quittent la société au début des années trente, d’autres comme Robert Servais, venant de LACAB où il conçu le GR.8 la rejoignent, ce qui amènera SABCA à en construire le seul prototype vu le manque de capacité industrielle de LACAB.

La SABCA obtient cependant un contrat en 1933 pour la construction de 19 Morane-Saulnier 230/236 pour l’entrainement avancé et de 35 Avro 504N d’entrainement élémentaire en plusieurs séries s’étalant de 1934 à 1939. La SABENA assure un maintien de l’activité d’avions commerciaux avec une commande de 7 Savoia-Marchetti S-73, trimoteur italien confortable de 18 passagers, destinés aux lignes européennes. Ils seront construits entre 1935 et 1936. En 1935 l’aviation sportive est en plein essor et la SABCA tente de s’introduire dans ce marché avec le S.20 triplace monoplan parasol, suivi du S.30 en 1938. Malgré leurs qualités, ce sont des échecs commerciaux et ils ne seront construits qu’à un seul exemplaire. 

Le monoplan triplace SABCA S20 de 1935, une des dernières tentatives de pénétrer le marché de l’aviation de tourisme. (Album Charles Wouters via Charles Mali)

Le bilan à l’aube d’une nouvelle guerre mondiale 

Les tensions politiques internationales recadrent en effet rapidement les priorités vers le militaire. SABCA a développé le S.40, avion d’entrainement, et a signé un accord de coopération avec la société italienne Caproni, ce qui amène le S.47 (Caproni Ca.335,) avion destiné à remplacer les Fairey Fox mais qui arrive bien trop tard. Entretemps la Belgique a une fois de plus acheté anglais avec les Fairey Battle ainsi que des chasseurs Gloster Gladiator que SABCA sera chargée d’assembler. 

Les nuages d’une guerre imminente entrainent un certain nombre de commandes: 10 Koolhoven FK 58 pour l’Armée de l’Air Française, des ailes en bois pour doter les 80 Hurricanes commandés en Angleterre qui doivent être construits par Fairey à Gosselies, ainsi qu’une commande de 31 Breguet 694 A3 B2 qui ne seront jamais construits à la suite de l’invasion allemande en mai 1940.

Le S40 et le S47 exposés au salon de Bruxelles en juiller 1939. En arrière-plan un Messerschmitt Bf 108 « Taifun » allemand. (Collection Guy Roberty via Charles Mali)

A la veille de la guerre, le bilan n’est guère brillant pour l’industrie aéronautique belge en général malgré la qualité de ses productions. La neutralité du pays, les décisions politiques et baisses de budgets militaires y sont pour beaucoup. Le choix de standardisation par des avions anglais Fairey prônée par le général Gillieaux n’est pas sans conséquences sur l’industrie dont l’emploi en 1935 n’a pas augmenté depuis 10 ans. Faute d’une politique prévoyante dans la ligne directrice des premières années; la construction aéronautique fut cantonnée dans une tâche d’exécutant alors que ses créations étaient comparables si pas supérieures à des constructions étrangères. Ainsi au 10 mai 1940 à part quelques SV-4 et Renard 31, l’armée belge n’est dotée que de matériel étranger.

La SABCA peut cependant s’enorgueillir d’un beau bilan technique avec 600 avions construits de 19 types différents et une technologie moderne. Cela amène certains à penser qu’elle a privilégié le ‘business » au détriment du « risque » en se contentant de constructions sous licence. Elle est florissante et emploie à l’aube de l’invasion 460 personnes dans une paix sociale remarquable qu’elle est parvenue à maintenir pendant 20 ans sans un jour de grève malgré les crises.

Le 10 mai 1940 l’Allemagne envahit la Belgique, les usines de Haren sont occupées par l’ennemi dès le 19 juin. Des années noires et une éclipse qui durera 12 ans s’annoncent.

Bibliographie:
– « Plaquettes anniversaires » de la SABCA 50 ans et 75 ans.
– Rêves et Obstination de l’Industrie Aéronautique Belge, SABCA 1920-1990, Edition SABCA.
– SABCA des origines aux F-104G volume 1, Charles Mali et Nicolas Godfurnon. Volume 2 à paraitre, Mémoire de l’aviation belge, Fonds National Alfred Renard.
– Les avions SABCA et associés, prototypes et projets.
– Histoire de l’aviation belge, Hervé Gérard, Edition Paul Legrain, 1978.
– Revues « La Conquête de l’Air », « L’Aviation Belge «, « Air Revue ».

Texte: R. Verhegghen avec la précieuse collaboration de Charles Mali
Photos: AELR, SABCA, collection Guy Roberty, Charles Wouters, Charles Mali

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Bob Verhegghen

Né au Congo en janvier 1952. Passionné d’avions militaires et de maquettes dès mon plus jeune âge. Auteur de nombreux articles historiques et ou de maquettisme sur la force Aérienne dans diverses revues et dans la revue KIT de l’IPMS Belgium. J’ai un intérêt particulier pour les planeurs anciens, la Force Aérienne d’après-guerre et les T-6, (R) F-84F, et Mirage. J’ai le soucis de l’exactitude et du détail pour mes maquettes. Pilote de planeur depuis 1977, instructeur avec près de 900 heures de vol je suis l’heureux copropriétaire de l’ASK-13 ex PL-66 des Cadets de l’Air (aujourd’hui D-3438) basé à Temploux.

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