Beauvechain, le 6 septembre 2013. De nombreux attachés militaires ou de l’air, un public choisi, de nombreux anciens de la Force Aérienne et des représentants de la presse étaient conviés afin d’y célébrer les cent ans d’existence de l’aviation militaire belge, laquelle fut en effet instaurée officiellement par un Arrêté Royal en date du 16 avril 1913. L’Etat-major de la Composante Air avait choisi l’option de célébrer l’événement par une démonstration de ses capacités opérationnelles en conjonction aux autres composantes des forces armées. Après l’allocution de bienvenue du Général Aviateur Gérard Vancaelenberge, Général en chef des Forces Armées Belges, les opérations du « Joint power demo exercise Centennial » furent déclenchées.
Le scénario était centré sur la mise en œuvre graduelle de moyens aériens et aéroportés ou héliportés vers un point chaud, à savoir un détachement de nos troupes protégeant des ressortissants déployé dans un pays étranger et qui était menacé par des éléments hostiles et fortement armés. En lever de rideau, deux F-16AM effectuèrent un décollage en alerte (scramble) pour se porter vers la zone de combat, suivis du décollage d’un drone B-Hunter exerçant une surveillance discrète et continue du lieu d’affrontement. Il s’avéra bientôt que l’intervention des F-16AM (deux du 2ème Wing de Florennes et deux autres du 10ème Wing de Kleine-Brogel) était nécessaire; après avoir largué des leurres thermiques, chacun d’eux attaqua la zone ennemie à la roquette et à la bombe. La pression hostile s’accentuant, un véhicule FAC (Forward Air Control) dirigea le passage d’intimidation ainsi que le strafing au canon par les F-16 contre les assaillants qui s’approchaient en trop grand nombre et trop près du bastion ami. Le FAC demanda alors l’insertion d’éclaireurs, des soldats d’élite parachutés à haute altitude depuis un C-130H Hercules, mais des renforts étaient indispensables et des éléments des forces spéciales furent héliportés en zone de combat par des Agusta A109 et par un Sea King qu’ils évacuèrent en « fast roping » (descente rapide le long d’une corde). Les hélicoptères venus à la rescousse étant vulnérables aux tirs hostiles, un hélicoptère d’assaut et de combat AH-64D Apache de la KLu (force aérienne néerlandaise) orbitait au-dessus d’eux, prêt à engager sa terrible puissance de feu en cas de besoin. Pour boucler l’opération, un C-130H fit un atterrissage d’assaut permettant aux commandos à bord de débarquer rapidement et d’entrer en contact avec les bandes qui harcelaient les positions amies. Le quadrimoteur de transport inversa le pas de ses hélices pour reculer et puis redécoller afin de quitter la zone des hostilités, le temps que les commandos en prennent le contrôle pour permettre aux moyens aériens de s’y porter dans des conditions de sécurité suffisantes pour les hommes et le matériel. La sécurisation achevée permit l’évacuation d’un blessé par hélicoptère A109 en version « medevac » (médicalisée).
Cette importante opération d’insertion fut couverte en permanence par des F-16 maintenus longtemps sur zone grâce à des ravitaillements en vol sur KDC-10 néerlandais. Ce magistral étalage des capacités de la Composante Air fut complété par le passage d’un E-3A AWACS (Airborne Early Warning and Control System) de l’OTAN escorté du F-16AM belge en QRA (Quick Reaction Alert).
Les ultimes séquences du programme en vol montrèrent les moyens de la Composante Air pour le futur, à savoir le NH90 de transport et le NFH90 version marine dont un exemplaire de chaque hélicoptère vient d’être livré, lesquels sont dévolus à la formation des équipages dans le Midi de la France afin que la flotte de quatre appareils de chaque type puisse être pleinement opérationnelle fin 2014. La grande surprise fut toutefois le passage du prototype de l’Airbus A400M Atlas suivi du C-130H Hercules qu’il remplacera en 2019, lors de la mise en service des premiers des sept exemplaires commandés. C’est la deuxième fois seulement qu’un Airbus A400M survole la Belgique. Six Alphajet clôturèrent le spectacle aérien en traçant un bouquet aux couleurs nationales dans le ciel bien bleu de Beauvechain.
Une exposition statique présentait quasiment l’intégralité des matériels équipant la Composante Air et 2ème Bataillon Commando et le Bataillon ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition & Reconnaissance) de la Composante Terre et, notamment, des F-16AM armés de divers projectiles et missiles « bons de guerre », chose qui ne se voit que rarement, pour ne pas dire jamais, dans les meetings accessibles au public. Un Sopwith Camel, chasseur de la Première Guerre Mondiale, aux cocardes belges et marqué à l’emblème du chardon, provenant des collections du Stampe Museum d’Anvers-Deurne était exposé et constituait à lui seul dans le contexte de l’événement – mais avec quelle classe – le coup d’œil historique dans le rétroviseur.
Une célébration sur un mode inattendu et innovant qui a mis en valeur le spectre opérationnel et les compétences qu’ont gardé nos forces aériennes, malgré les réductions drastiques imposées depuis vingt ans, c’est-à-dire depuis la chute du mur de Berlin et, ensuite, à cause de la crise économique mondiale. Une telle démonstration a permis, par exemple, de mieux comprendre l’intervention rapide et efficace de la Composante Air dans la récente opération « United Protector » menée en 2011 sur la Lybie : le savoir-faire des aviateurs belges mérite incontestablement un triple ban.
Texte et photos : Jean-Pierre Decock