Beauvechain, le 30 septembre 2015. Jour de joie pour les nouveaux pilotes brevetés de la Composante Air et de leurs proches. La remise d’ailes du jour concernait huit jeunes aviateurs (dont l’un était absent). Un pilote luxembourgeois a été breveté dans la filière transport, c’est le quatrième aviateur grand-ducal à décrocher ses ailes et à être affecté au 15ème wing qui recevra ses A400M Atlas, dont l’exemplaire commandé par le Grand-Duché de Luxembourg, dans le courant de 2019. Sinon, les sept autres jeunes gens à se voir épingler les ailes d’or tant convoitées étaient – phénomène plutôt inusité – tous issus de la filière chasse et donc futurs jockeys de F-16AM.
Le groupe comprenait deux polytechniciens (promo 163 POL) et deux brevetés en SSMW (promo 148 SSMW), c’est à dire en Sciences Sociales et Militaires Wetenschappen, le reste du contingent se composant de quatre pilotes du cadre auxiliaire PIL12 (2012). Il est intéressant de constater que cinq d’entre eux sont des anciens cadets de l’air ayant pratiqué le vol à voile avant d’embrasser la carrière de pilote militaire, il est donc clair, une fois encore, que les cadets de l’air constituent le tremplin idéal à la formation de pilote d’active.
La cérémonie sur fond de troupes et avec la musique de la Force Aérienne était présidée par le Général-major Aviateur Frederik Vansina, commandant de la Composante Air et le Colonel Aviateur Frédéric Givron, commandant du Centre de Compétence Air. Parmi les invités figuraient de nombreux attachés de l’air ou militaires, notamment ceux des ambassades des Etats-Unis, de France, de Chine et même du Mexique. Comme d’habitude, de nombreux anciens avaient également tenu à venir saluer et féliciter la jeune relève.
Cette promotion s’était choisie comme parrain le Colonel Aviateur Raymond « Cheval » Lallemant DFC & bar décédé le 30 janvier 2008. Admis à l’école de pilotage de Wevelgem en septembre 1939, il était en cours de formation lorsque survint la blitzkrieg le 10 mai 1940. Les élèves et les moniteurs de l’école de pilotage évacuèrent le matériel vers Caen en France et de là, par voie maritime, jusqu’en Afrique du Nord où ils furent surpris coup sur coup par les armistices de la Belgique et de la France. A l’instar de nombreux camarades, « Cheval » Lallemant prit le parti de poursuivre la lutte et donc de rallier l’Angleterre de façon clandestine. C’est au Royaume-Uni qu’il conclut son entraînement et fut affecté an juillet 1941 au fameux 609 squadron composé de nombreux pilotes étrangers, belges en majorité. « Cheval » Lallemant a rapidement démontré ses aptitudes de chasseur sur Spitfire d’abord et sur Typhoon ensuite. Ce formidable avion de combat au pilotage exigeant était confié au 609 pour définir et mettre au point la doctrine d’emploi de cette nouvelle machine aux étonnantes possibilités offensives.
Début 1944, le Typhoon fut armé de roquettes, un nouveau type d’engin offensif, ce qui en fit l’un des plus redoutables avions d’assaut de la seconde guerre mondiale. « Cheval » Lallemant fut l’un des rouages de ces expérimentations et les mit en œuvre avec succès avant de devenir commandant d’escadrille au squadron 198 lors du débarquement en Normandie en juin 1944. Il devint squadron leader du 609 le 14 août 1944 et, à ce titre, se trouva aux première loges avec ses coéquipiers pour constater à quel point le roquettes tirées par les Typhoon semaient la terreur parmi les blindés ennemis avec, comme point culminant, la réduction de la poche de Falaise, le dernier verrou qui empêchait les troupes alliées de percer vers le nord et l’est de la France. Fin 1944, lors d’une mission offensive sur Arnhem, l’appareil de « Cheval » Lallemant fut touché par la Flak (DCA allemande) et prit feu; brûlé au visage et aux mains, il eut le courage de ramener l’avion endommagé à sa base de Merville près de Lille. Il devint alors membre du célèbre « guinea pig club » (club des cobayes) composé de grands brûlés soignés par le chirurgien Sir Archibald McIndoe, véritable pionnier des greffes de peau permettant de leur rendre un visage humain.
Le squadron leader Lallemant reprit le combat le 1er mars 1945 à la tête du 349 (Belgian) squadron qu’il quitta en décembre 1945. Il était titulaire, à la fin de la guerre, de deux DFC (Distinguished Flying Cross), avait été vainqueur six fois en combat aérien et avait détruit au moins trente-quatre chars ennemis à coups de roquettes.
Il poursuivit sa carrière à la Force Aérienne Belge et prit le commandement de la base de Florennes le 1er août 1947, laquelle était en bien piètre état à la fin des hostilités. Il façonna littéralement le 2ème wing ainsi que sa base et en fit un instrument de combat déterminant au sein de la jeune Force Aérienne Belge. Il en remit le commandement le 17 juin 1952. Chef de corps du 9ème wing de Bierset et puis de l’Ecole de Chasse de Brustem, il suivit à partir de 1962 une formation de haut niveau au Defence College de l’OTAN. Chef d’état-major de l’Entraînement et de l’Instruction à la Force Aérienne, il termina sa carrière à la Planning & Doctrine Division du Military Committee de l’OTAN en 1972.
Homme pugnace, volontaire et grand conteur devant l’éternel, le Colonel Aviateur Raymond « Cheval » Lallemant était également un excellent écrivain et a conté ses mémoires au fil de trois ouvrages : « Rendez-vous avec la chance » en 1962, « Rendez-vous d’un jour » (sur le débarquement en Normandie) en 1975 et « Rendez-vous avec le destin » en 2004.
La fille de « Cheval Lallemant », Madame Waterman-Lallemant, rehaussait de sa présence cette cérémonie de remise d’ailes empreinte de solennité et qui s’acheva par le passage d’un NH90 et des formations de A109, SF260 et F-16AM dans un ciel d’azur lumineux.
Jean-Pierre Decock